Il n’y a ni drapeau étoilé, ni aigle sur la couverture, mais on les imagine facilement après avoir terminé The Cheat Sheet (L’antisèche en bon français, effectivement c’est peut-être moins attirant). Tout est très banal et cliché dans cette romance étatsunienne-issime. On se situe dans le schéma best-friends-to-lovers : deux meilleurs amis fusionnels sont secrètement et réciproquement amoureux l’un de l’autre, et vont mettre 350 pages à s’en rendre compte. Lui est très riche, c’est une star du football américain (genre de Mbappé du cru), elle est une ancienne danseuse autrefois promise au plus haut destin s’étant fait les croisés, réduite à enseigner avec passion et dévotion la danse à des ados pauvres.
L’histoire commence sur la rupture de Nate (Mbappé) avec Kelsie, une énième copine mannequin qui lui reproche sa trop grande proximité avec Bree (Bree de Meaux, l’autrice fait la blague tout le temps c’est un peu lassant à force). Pour se venger, elle balance à la presse people que Nate a des problèmes d’érection ; ce qui se révèle faux car il est en fait abstinent, se réservant pour le véritable amour de sa vie. Eh ouais… Pour s’en sortir, les deux vont profiter des confidences de Bree, ivre morte, à une journaliste people dans les toilettes d’un grand restaurant. À la faveur de l’engouement des réseaux sociaux, elle et il vont jouer au couple people pour de faux, et finir par réaliser qu’elle et il sont réellement amoureux.
Tout ça dégouline et n’est pas follement original, ni bien fait. On ne peut même pas dire que ce soit mal écrit (à la différence d’une Coleen Hoover que j’ai abandonnée après 50 pages, illisible) puisque ce n’est pas vraiment écrit, on lit ça comme un script. Les seuls effets littéraires sont dans la tentative de reproduire les emballements intérieurs de l’héroïne de manière bien moins convaincante que chez Ali Hazelwood. L’artifice consistant à écrire en majuscules des phrases entières pour signaler des cris ou un affolement est très vite horripilant.
Sur le fond, il y a certes le début d’une exploration du thème très contemporain de la santé mentale, les crises d’angoisses, mais tout est si caricatural qu’on n’y croit pas. La seule faiblesse de notre Mbappé est d’être un overachiever hyper stressé et parfois dépassé par son stress. Même pour un bookboyfriend, ce n’est pas une caractérisation très satisfaisante… Et sur la romance à proprement parler, le premier vrai bisou arrive autour de la page 280 (édition reliée, s’il vous plaît), le « je t’aime » réciproque page 320, pour aboutir à l’interruption du début de la scène de sexe par un « on devrait attendre de se marier » comme on en n’avait plus vu ou lu depuis longtemps. D’autant que le-dit mariage arrive 30 pages plus loin, avec une ellipse pudique sur la nuit de noces. C’est assez hypocrite après avoir clairement érotisé les deux protagonistes et exprimé leur désir réciproque dans leurs chapitres respectifs. Les Américain·es ont le droit d’être puritain·es, mais il faudrait le compenser par un tout petit peu d’écriture et de bonne foi…