Mères perdues
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le 29 sept. 2012
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Quand on sait que Brecht a écrit ces trois scènes à quinze ans, lorsqu'il était lycéen, on ne s'étonne pas de ses outrances. L'idée (assez traditionnelle) que le chef des ennemis épargnerait la ville qu'il assiège s'il couche avec une jeune fille locale, est quasiment folklorique. L'important, pour le jeune Brecht manifestement déjà très anti-religieux, est d'affubler la fille concernée d'un grand-père puritain qui n'arrête pas de citer les préceptes de la Bible (plutôt de l'Ancien Testament, d'ailleurs : Dieu unique, jaloux, sévère et vengeur, etc.).
La fille reproche souvent à son grand-père de ne lui citer que des passages de la Bible morts, froids, sévères, et inadaptés aux circonstances en cours; paradoxalement, comme le grand-père est puritain grand teint, c'est lui qui va pousser sa fille à refuser de coucher avec le chef des ennemis, car il faut préférer le salut de l'âme (le sexe, c'est un péché mortel), à celui du corps (le corps de tous les assiégés, dont la survie dépend du sacrifice de la fille). Et c'est le frère de la fille, moins branché sur la Bible, qui va pousser sa soeur à "se sacrifier". Le père de la fille va dans le même sens.
On verra que tout ceci ne se termine pas très bien, l'ennemi obtenant le beurre et l'argent du beurre, et la religion étant rendue responsable et du massacre des habitants et du viol de la fille indirectement (car, si pas d'ennemi religieux, pas de guerre, donc pas de viol)...
La polémique entre la fille et ses parents ressemble un peu trop à une partie de ping-pong (ce qu'on me déconseillait de faire lors des improvisations théâtrales).
Brecht a bien envoyé un missile à la fois contre la guerre et contre la religion (irréaliste, répressive, sévère et inopérante), ce qui présage beaucoup de ses thèmes favoris dans son théâtre à venir.
Avec cette pièce de jeunesse de Brecht s'achève la publication du "Théâtre Complet" de Brecht dans l'édition collective de L'Arche.
Créée
le 19 juil. 2015
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