Thérèse Raquin ou l'apothéose du récit sordide

N'étant pas un fanatique d'Emile Zola - tout en reconnaissance la grandeur de cet individu d'exception - je débutais ce livre avec une légère mais néanmoins réelle forme d'appréhension. A cause de mauvais souvenirs de lectures collégiennes et lycéennes, je voyais en cet écrivain un être usant, et souvent abusant, d'énumérations descriptives d'une longueur interminable ; ce qui ne m'attirait guère. Cependant, étant de l'avis que seuls les imbéciles ne changent pas d'avis, je me suis décidé à me lancer dans la lecture d'un livre qui traînait depuis des semaines sur une de mes étagères : Thérèse Raquin.

Thérèse Raquin, c'est l'histoire d'une petite mercière éponyme, mariée à Camille, un homme chétif et maladif avec lequel elle a été élevée depuis son plus jeune âge. Vivant une vie sinistre et monotone à côté de ce dernier et de sa belle-mère, elle voit passer les jours, chacun semblable en tout point à celui de la veille. Cette grisaille s'achève le jour où son mari lui présente Laurent, un peintre raté et fainéant, dont elle devient la maîtresse. Pour vivre leur bonheur au grand jour, ils prennent une décision radicale : le mari encombrant doit disparaître. Après l'adultère, l'assassinat crapuleux. A partir de là, rien ne sera plus pareil.

S'il est un domaine traité par les écrivains dans cette fin de XIXème siècle, c'est bien celui de l'adultère. Flaubert, Maupassant, Zola, chacun de ces auteurs a touché de près ou de loin à ce sujet pour en faire la trame d'au moins une de ses œuvres.

Cependant, même si le sujet ne brille pas par son originalité, aucun n'était auparavant parvenu à réaliser un écrit aussi sordide et crasse sur ce thème. En effet, avec ce roman, le lecteur plonge dans un huis clos oppressant dont il ne peut sortir indemne.

La scène se déroule dans une petite mercerie sombre et isolée située dans les tréfonds de Paris puis, au moment de l'assassinat, sur les berges de la Seine à l'eau sale et trouble.

Les personnages sont chacun d'eux tous plus antipathiques les uns que les autres, rongés par la bassesse et le vice. Sur ce point, Zola parvient d'ailleurs à décrire et dépeindre avec brio la psychologie des protagonistes de son oeuvre, enfermés dans une prison intérieure au sein de laquelle n'existe aucune porte de sortie. Seul demeure un horizon sombre et sans espoir qui rend leur vie impossible, que ce soit avant mais surtout après le conjugicide. Thérèse, l'anti-héroïne par excellence de cette histoire, en est un exemple frappant.

Bref, ce livre brille par sa noirceur et son obscurité abyssale. Les personnages, le sujet, la scène, l'ensemble du récit est formé dans l'unique but de plonger le lecteur dans un roman éreintant. Le résultat est réussi et fait de ce livre un chef d'oeuvre réel. Merci Thérèse Raquin, je suis prêt à relire du Zola.