Dans un fjord en Islande, un homme se réveille dans une église et se rend compte qu'il a perdu la mémoire. Pourtant les gens autour le reconnaissent. Il va alors s'attacher à reconstituer le récit de ces hommes et des ces femmes.
Cela donne logiquement un roman morcelé, au rythme lent, qui enchaine les petites histoires et ne cesse de sortir des ornières au sein même de ces petites tranches de vie. Parfois cela fonctionne, certains moments, certains personnages se révèlent touchants à l'image de cette épouse de fermière qui à la suite de l'écriture d'un article scientifique va voir sa vie bouleversée.
Et parfois c'est juste pénible de voir l'auteur s'adresser à nous pour mieux nous rattraper par la manche afin de ne pas nous perdre, conscient que sa démarche, certes originale et audacieuse, peur se révéler lancinante à la longue ; de le voir s'épuiser en circonvolutions superflues qui viennent alourdir inutilement le récit par le biais de détails pas toujours utiles.
Bien entendu le propos est là, il s'agit de parler de détails qui ont eu leur importance sur le destin des personnages, mais n'en est-il pas de même pour tout un chacun ? Cette espèce de volonté d'inscrire le patrimoine mémoriel génétique comme directement responsable de ce qui arrive par la suite n'est guère convaincante en ce qui me concerne. Bien sûr il s'agit de parler de l'oubli, du deuil, de l'effacement si l'on ne raconte pas, mais là aussi le choix d'une narration brisée, parfois difficilement compréhensible, n'est pas toujours justifiable.
On a l'impression que Stefansson a voulu faire compliqué là où il aurait pu faire simple, écrire beaucoup là où peu de mots auraient suffi.
C'est d'autant plus dommage que l'écriture a de jolis moments, que la mélancolie s'accompagne parfois de poésie et que les réflexions sur l'identité s'accompagne quant à elles de philosophie. Cela fonctionne bien et donne envie de découvrir de nouvelles bribes de passé.
Comment les êtres humains traversent la vie, font leurs choix... ou ne les font pas ! A travers ces tranches de vie et ces nombreuses morts, l'auteur islandais aborde bien des sujets mais le fait parfois de manière maladroite dans la forme, et de façon un peu trop appesantie.
Comme si la présomption avait pris le dessus au moment de raconter des choses pourtant simples mais essentielles. Ce qui gâche mon plaisir personnellement.