Publié en 1968, « Tous à Zanzibar » est un roman clé dans l’œuvre de John Brunner. Il est souvent considéré comme un classique incontournable de la Science-Fiction.
Deux choses frappent à la lecture de ce long ouvrage.
Tout d'abord sa construction atypique : on découvre un récit organisé sous la forme d'une alternance de quatre familles de chapitre très différents. Ce récit déconstruit est d’une grande originalité, mais il peut déstabiliser quand on commence la lecture du roman. Il faut quelques pages pour s’y adapter et en apprécier les apports.
La seconde chose qui frappe dans « Tous à Zanzibar », c’est que le monde de 2010 créé par Brunner à la fin des années 60 ressemble furieusement... à notre époque !
Bien sûr, l'écriture datant de 1968 entraîne quelques errements technologiques un peu "baroques" qui ne sont pas sans rappeler l’œuvre de Philip K. Dick de la même époque. Mais dans l'ensemble, John Brunner fait mouche avec cette vision du futur. On est ici en présence d'une Science-Fiction aux limites de la clairvoyance !
Si « Tous à Zanzibar » brille sur la forme et sur le fond dans son évocation du monde de 2010, je suis plus réservé concernant l'intrigue principale et ses protagonistes.
Simples colocataires au début du roman, Norman et Donald vont rapidement suivre deux chemins séparés. L'un vers Afrique, l'autre en Asie. Avec un point commun cependant : leurs destinées auront de fortes retombées internationales, car impliquées dans de vastes enjeux politiques, militaires et économiques.
Le problème, c'est que la construction du roman, toute en ruptures, rend difficile l'attachement à l'histoire et aux personnages, qui manquent tout de même d’épaisseur et d’approfondissement.
Cela ne rend pas pour autant la lecture ennuyeuse, mais il ne faut pas s’attendre à une intrigue haletante digne d'un « page turner » moderne. Et puis de toute façon, Brunner lui-même qualifiait cette œuvre de "non-roman".
Concernant la version française du roman, je me dois de signaler l'excellente qualité de la traduction française effectuée par Didier Pemerle. Car "Tous à Zanzibar" c'est aussi un vocabulaire très particulier à base de nombreux mots composés inventés qui sont souvent délirants. Cette version française sonne très juste.
Mention spéciale également pour la longue préface de Gérard Klein qui s'interroge sur la frontière qui existe entre la Science-Fiction et la prospective.
Au bout du compte, est-ce que je recommande la lecture de « Tous à Zanzibar » ? Très certainement ! C’est un formidable exercice d’anticipation et sans l’ombre d’un doute un jalon fondateur dans l'histoire de la Science-Fiction.
Ma critique complète peut être consultée sur mon site :
https://www.bourez.net/content/tous-zanzibar-john-brunner