Un style lourd pour faire littéraire. Comme un lycéen qui se lance dans des sophistications horribles en pensant éviter d'être plat. De plus, on sent parfois l'auteure en train d'écrire. Par exemple, tenez :


Oh, elle l'avait bien senti à la voix de Lucie : trop haute, rapide, haletante - l'appartement devait être en ce moment même le théâtre de ces démonstrations d'enthousiasme paternel qu'elle détestait, qui se distinguait par le refus ostentatoire chez Jakob d'imposer la moindre contrainte, d'exercer la moindre autorité sur les deux filles de sept ans, et par le lancement abondamment commenté, joyeux à grands frais, d'une préparation culinaire qu'il n'avait pas souvent les capacités ni le goût ni la patience de mener à son terme, de telle sorte que les pâtes à crêpes ou à gâteaux n'étaient jamais mises à cuire et qu'il avait entre-temps proposé une autre activité ou une sortie, de sa voix elle-même soudain trop haute, rapide, haletante, que les fillettes imitaient et qui les brandillerait si bien qu'elles finissaient souvent par s'écrouler en pleurs, rompues d'énervement et aussi, pensait Norah, du sentiment obscur que la journée, malgré les rires et les clameurs, avait été vaine, fausse, bizarre.

On dirait vraiment une bourgeoise de 17 ans qui veut faire du Proust. Mais ça n'en a ni la musique, ni la délicatesse. Quant à cette précision, elle est toute artificielle.


On dirait que l'auteure a voulu bourrer en une phrase plusieurs informations sur la nature des personnages : âge, caractère, activités, défauts, sentiments, intuitions profondes. C'est un peu comme si un détective faisait des dizaines d'induction ultra précises et se révélant vraies. Ce qu'on ressent, c'est l'auteure en train de se dire " comment je vais bourrer un maximum d'informations et de précision en une jolie phrase pour introduire des nouveaux personnages " ou bien " comment je vais faire retrouver l'origine du meurtrier à mon détective surdoué " Il y a quelque chose de pas naturel dans ce qu'il se passe.


Le procédé consiste à dire " Son mari était à la fois joueur, cool, hypocrite et faisant de l'ombre à la mère, ce que ressentaient mystérieusement les filles " en étoffant à la Proust pour que ça ne fasse pas trop plat ni trop artificiel. C'est une erreur de débutant, comme si j'avais écrit " c'est le visage d'une femme belle, gentille, attentionnée, mais avide, jalouse, et voulant posséder son amour comme si c'était un bien de son enfance " c'est pas possible, c'est du listage. Chaque trait doit être éprouvé dans des situations différentes. L'auteure faire du listage dissimulé. Les adjectifs se répètent inutilement, ils viennent se briser au milieu de la rivière. Pourquoi préciser crêpes ou gâteaux ? C'est de l'alourdissement volontaire, pour ne pas paraître trivial.


La moitié du texte est fait de phrases de ce genre. L'autre moitié, de phrases triviales. Je comprends que l'auteure a voulu parler d'une femme manipulée par son père autoritaire, son mari laxiste, mais le style est abominable.


Le regard porté sur le monde est celui d'un bon auteur, mais l'écriture est celle d'un lycéen qui tente sa première page. Trop d'erreurs dans la formulation des phrases, dans l'introduction des informations, des personnages, dans la répétition des métaphores, dans le choix des temps, dans le rythme. Le script est excellent, c'est pour le cinéma qu'elle devrait écrire

Eussoudore
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le 21 oct. 2024

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