Comme le titre l'indique en fait deja, ce livre n'est pas à proprement parler un roman en trois chapitres, mais plutôt un recueil de trois (longues) nouvelles, voire trois mini romans. Il ne faut pas vraiment chercher d'unité entre ces trois segments en dehors du rapport un peu lointain qu'il existe entre certains personnages, rapport pas vraiment développé - ce qui est d'ailleurs un peu dommage, car cela renforce l'isolement de chaque histoire, qui est un tout autonome et indépendant, alors que cet isolement est une des faiblesses de l'ouvrage.
Les trois récits sont tous superbement écrits (bon, faut aimer l'usage intempestif des subjonctifs imparfaits, mais à mon sens, cette attention à l'esthétisme chez Ndiaye est plus un point très positif qu'une forme d'affectation). L'histoire est bien menée, et le style conjugué à une bonne maîtrise du suspense (c'est surtout manifeste dans les deuxième récit) force le lecteur à adhérer ou à rejeter en bloc l'histoire, tant elle est à la fois captivante et dérangeante.
Trois femmes donc, puissantes, cela a été dit, est peut être un attribut un peu fort, tout au plus trois femmes fortes, car ce qui frappe, allant montant au fil des trois récits, c'est la médiocrité de l'existence de ces femmes "puissantes", médiocrité qu'elles arrivent à faire depasser de façon assez subtile, puisque c'est toujours le fruit d'une lutte intérieure, intestine, d'une prise de conscience particulière. Le rapport toujours dynamique entre le flux intense de la conscience des personnages et le cours des événements qui se déroule est aussi un élément signifiant du livre, qui permet de senfiler sans broncher le deuxième récit qui fait je crois presque 150 pages. Les faiblesses du livre reposent peut être dans un premier recit un peu moins mémorable que les deux autres, d'autant plus que ce premier récit est très marqué par un défaut qui est commun par ailleurs aux trois récits, à savoir la sensation dinachevement, certes volontaire, mais qui ne convainc guère que pour le troisième récit (le deuxième aussi à la rigueur). Enfin, un défaut qui selon moi n'en est pas un, le deuxième récit n'est le récit d'une "femme puissante" que par transparence, puisque l'on suit la vie d'un homme, qui certes pense à la femme puissante (Fanta), mais qui ne la rencontre pas à un seul moment du récit (il lui téléphone, pas plus). Trois récits intéressants, bien écrits, avec beaucoup d'idées et un très bon développement psychologique. La complexité fait parfois perdre un peu le fil, et le troisième récit, suivi de près du deuxième, est quand même bien au dessus du premier récit. 15/20