En général quand on part en 2500 après JC dans un roman de SF, on en a pour son argent. Si on n'y croise pas forcément des centaines d'espèces extraterrestres, on a au moins le loisirs de traverser un morceau de galaxie peuplé d'humanoïdes exotiques. Mais pas dans le 25e siècle d'Ada Palmer.
Ici on reste le plus souvent sur Terre, et si on s'envoie parfois en l'air, ce n'est que très brièvement, le temps d'un saut de puce en voiture volante entre le Chili et Paris. Enfin, la voiture volante c'est quand même bien sympa, surtout quand dans une logique très matérialiste, elle remodèle tous nos systèmes religieux, moraux et politiques.
C'est LA bonne idée du bouquin, faire découler toute une utopie planétaire, d'une simple innovation technologique. Avec l'ensemble de la planète à moins de deux heure de bagnole, les états nations deviennent obsolètes, la coexistence religieuse insoutenable, les conventions morales bouleversées. L'humanité s'organise alors en un joyeux bordel intersectionnel où chacun choisit sa nation, sa famille et sa religion à la carte.
Trop semblable à l'éclair nous propose donc une utopie très originale et suffisamment extrapôlée de notre monde contemporain pour qu'elle nous parle. Le monde décrit est enivrant et compense largement la quasi absence de conquête spatiale : au ras des pâquerettes, le "sense of wonder" est quand même là.
À cela s'ajoute une réflexion sur les fondements philosophiques de nos sociétés modernes et futures, qui donne un joli vernis intello à l'ensemble. Certes cela paraîtra trop bavard à certains. Et certes l'intrigue met un temps fou à se déployer et ne commence vraiment qu'à la toute fin du livre. Et certes, l'irruption du surnaturel dénote un peu dans l'ensemble et paraît même parfois saugrenue. Et certes, le narrateur est un personnage aussi intriguant que son style est pénible...
Mais on passe tout de même un plutôt bon moment à décortiquer les fondements et les limites de notre civilisation contemporaine sous les cieux exotiques de sa descendante. Assez pour avoir envie d'y retourner pour la suite, mais pas beaucoup plus.