En ouvrant Ultramarins, j’en savais déjà presque tout, pour avoir lu à son sujet un nombre impressionnant de chroniques : qu’il s’agissait de l’histoire d’un voyage en porte-containers pendant lequel l’équipage, menée par une jeune capitaine, faisait un arrêt en pleine mer pour une petite baignade. Que ce micro-évènement agirait comme un grain de sable dans cette vaste machine dédiée à la productivité et à l’efficacité. Qu’à mesure de l’avancée du récit, celui-ci se ferait onirique, fantastique presque.
Je savais presque tout et en même temps quasiment rien tant il est vrai ici que le plaisir est celui de la traversée et non de la destination, et pour une raison simple et essentielle qui est qu’Ultramarins appartient à la catégorie des livres qu’il importe peu de spoiler (les seuls qui comptent, donc). Parce que Mariette Navarro a ce talent pour jouer avec les échelles (eux si petits, et la mer si grande), pour instiller un mystère qui transforme temporairement le bateau en château gothique mouvant, pour sonder comme si de rien n’était, d’une manière qui m’a évoqué les romans de Marie Redonnet, la psychologie de personnages qui, un instant avant, semblaient n’être que des silhouettes de papier découpé. Tout ceci, et bien plus, ne se spoile pas et c’est tant mieux.