L’art est une chose malsaine. Et la littérature n’est qu’une forme élevée de parasitisme.

Une allégorie de la condition d’artiste d’après Kafka, voilà ce dont parle cette nouvelle. Au départ, le jeûne n’est qu’un simple spectacle de foire qui permet à un homme de gagner sa vie, car il ne trouve aucun aliment qui lui convienne. Incapable d’aimer, incapable de manger, le jeûne lorsqu’il devient un gagne pain rend incapable de vivre par l’habitude que prend le corps de refuser la nourriture. Et cette passion littéralement le dévore de l’intérieur jusqu’à le conduire à sa mort prématurée.

De la même manière, celui qui crée ne mériterait pas tant que cela notre attention ou notre admiration, car son art n’est pas une performance qui a nécessité une grande quantité de travail. C’est une exhibition grossière et divertissante, afin de clamer de l’attention et espérer pouvoir en vivre. Ce que fait un homme de spectacle pour nous divertir, un animal de foire peut le faire.

Ce n’est que parce que l’artiste développe une dépendance vis-à-vis de son art qu’il continue et que ce soit une dépendance pour de l’argent ou pour de l’attention.

Cette conception du travail de l’artiste expliquerait en grande partie pourquoi Kafka n’a pas tenu à publier une grande partie de ses texte voire à les détruire. Pour Kafka, la littérature comme tout art est quelque de fondamentalement malsain. C’est une action inutile qui vous parasite et vous transforme vous-même en un parasite inutile à la société sauf pour divertir les autres.

Cette idée que l’artiste est un parasite demeure pertinente pour analyser l’œuvre de cet auteur dans la mesure où il utilise ce terme dans ses correspondances. Détruit psychologiquement par un père trop imposant et physiquement par la maladie, Kafka s’est longtemps perçu lui-même comme un parasite inutile au sein de sa propre famille. Cette nouvelle m’amène à penser qu’il voyait son travail d’écrivain comme la continuité de ce statut durant sa vie d’adulte. Triste vie.

Kafka ne voyait dans la littérature que le seul moyen dont il disposait pour s’exprimer. Il n’en avait pas d’autre à disposition et peu importe à quel point il écrivait bien, il n’en tirait pas de la fierté mais de la honte. Et pourtant, il a continué à écrire malgré les dégâts perpétuels de la vie sur son corps que celui des insomnies à rédiger faisait, car il ne voyait aucun autre issu à sa vie que de mourrir bêtement pour un peu d’attention dans une cage où il s’est lui-même enfermé.

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le 15 févr. 2024

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