La guerre de libération bangladaise s’achève fin 1971, transformant le Pakistan oriental en un nouvel état indépendant, le Bangladesh, au prix du massacre de millions de civils, de centaines de milliers de viols et du déplacement d’une foule de réfugiés. Tandis que Maya Hague s’investit avec énergie dans son métier de médecin au service des femmes, son frère Sohail tente d’oublier son trauma dans la religion, adoptant une pratique de plus en plus intransigeante et sectaire de l’islam qui le fait se détourner de sa famille et négliger son jeune fils. Lorsque l’enfant se retrouve en danger, Maya se décide à intervenir, précipitant une tragédie depuis longtemps annoncée...
Dans cet après-guerre aux décombres encore fumants, où chacun compte ses morts et mesure le poids de ses traumatismes - en particulier toutes ces femmes violées, et désormais ostracisées, dont personne ne veut les bébés de la honte –, la population hagarde voit, avec une déception amère, se mettre en place un régime dictatorial prêt à pactiser avec les collaborateurs et les criminels de guerre. Si Maya poursuit le combat à sa manière, luttant pour les droits et la liberté des femmes, militant ardemment pour la justice et la sauvegarde de ses idéaux, Sohail se retire peu à peu du monde réel. De plus en plus barricadé dans un refuge de principes rigides et mortifères qui finissent par l’exonérer de tout sentiment et le dépouiller de la moindre parcelle d’humanité, il se métamorphose bientôt en fondamentaliste intolérant, prêt à tout sacrifier à sa doctrine, y compris sa famille.
A travers Sohail et Maya se dessinent tous les possibles de ce nouveau pays tiraillé entre avenir et tradition, à une période charnière et fragile où tout peut basculer au gré d’un coup d’état et de la prise de pouvoir d’un nouveau dirigeant. Dans les campagnes en particulier, l’ignorance et la superstition y conduisent à des situations dramatiques et choquantes, où toujours les femmes se retrouvent en droite ligne d’une vindicte violente et meurtrière, tant elles demeurent le réceptacle de toutes les craintes et de toutes les hontes. Si Maya représente l’espoir et le progrès, Sohail rappelle la menace, ô combien d’actualité, de l’obscurantisme et de l’intégrisme religieux qui, dans un insidieux mais imparable processus, peuvent s’emparer d’une société meurtrie, en perte de repères.
Combat entre ombre et lumière, entre progrès et obscurantisme, ce récit foisonnant et traversé d’un puissant souffle romanesque est aussi une plongée dépaysante et passionnante dans un pan de l’histoire bangladaise, peu explorée en littérature.
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