Ma deuxième lecture de Françoise Sagan, son deuxième livre, paru en 1956, deux ans après Bonjour Tristesse, m'a convaincu de poursuivre ma découverte de son oeuvre car si Bonjour Tristesse m'avait déjà plutôt impressionné, j'ai apprécié encore un peu plus Un certain sourire.
On y retrouve le style, les thèmes, les personnages-types, les lieux... La recette est sensiblement la même: une romance emprunte d'un sentimentalisme froid et mélancolique, des personnages qui se laissent prendre aux pièges de leur passion sans en être vraiment dupe, un narrateur qui compte cette histoire au passé, comme s'il écrivait un journal de regrets, écrit en teintes de gris à l'aune de la tristesse du drame dénoué...
J'ai été happée par la description si fine des sentiments de Dominique. Bien qu'on est du mal à s'identifier à ce personnage principal si avare en empathie, ses pensées sont déstabilisantes et étonnamment juste. J'ai rarement lu des mots aussi bien choisis pour décrire l'état d'âme de cet âge de l'entre-deux, au porte de l'âge adulte, plein d'une indolence glaçante mais où la culpabilité rôde. Françoise Sagan sait comme personne faire exprimer à ses personnages l'ennui, la lassitude, le vague à l'âme, ce que cache de tristesse le coeur amoureux d'une jeune femme toujours un peu adolescente, encore aux prises avec des rêves de princes charmant mais déjà entrainée aux traîtrises amoureuses. Le style d'écriture coule agréablement et imprime à la mélancolie affleurante une douceur bienvenue qui m'a empêché de lâcher le livre même un court instant. En effet, celui-ci est truffé de bon mots brillants et je n'ai pas assez de places dans mes carnets pour tous les noter:
"J'étais bien, et il y avait toujours en moi, comme une bête chaude et vivante, ce goût d'ennui, de solitude et parfois d'exaltation."
" On aime bien que les gens à qui on fait du mal soient gais. Ça dérange moins."
" Peut-être que le bonheur, chez les gens comme moi, n'est-il qu'une espèce d'absence, absence d'ennuis, absence confiante.
" Je l'aimais. Il aurait fallu y penser, tout au moins penser que ce pouvait être ça, l'amour: cette obsession, cette insatisfaction douloureuse."