Dostoïevski faisait partie de mes auteurs redoutés. Ne connaissant de lui que des briques terrorisantes de près de 1000 pages ("L'idiot", "Les frères Karamazov", "Crimes et châtiments", ...), et, de la littérature russe en général, ses intrigues amphigouriques, je craignais de trouver là un pan de culture assez insurmontable. C'est pourquoi j'ai pensé découvrir cet incontournable auteur en douceur, à l'aide de cette courte nouvelle dont le sujet n'a pas manqué d'éveiller mon intérêt...
Il m'a fallu un certain temps avant de rentrer dans le récit. Plusieurs éléments m'ont en effet déconcertée : l'abondance de dialogues, le langage familier – disons oral – des personnages, et l'emphase des répliques propres à chaque intervenant qui donne au livre un genre très théâtral ; l'abondance de virgules et l'extrême proximité des deux amis...
Il s'agit là d' « une histoire d'amour passionnelle mêlée à une histoire d'amitié tout autant passionnée » !
Bien qu'il m'ait fallu 50 pages avant de plonger enfin dans ce livre qui en compte seulement 80, Un cœur faible a été pour moi une découverte inattendue, mais plaisante. Dostoïevski est ici étonnant dans sa manière très personnelle de rendre l'intrigue de plus en plus grave par la folie dont pâtit graduellement Vassia Choumkov...
Il est difficile, aussi, de ne pas souligner le premier passage du livre, qui est particulièrement original, empli de dérision et m'a bien fait sourire :
« Sous un même toit, dans un même logement, à un même troisième étage vivaient deux jeunes collègues de bureau, Arkadi Ivanovitch Néfédévitch et Vassia Choumkov... L'auteur, certes, ressent la nécessité d'expliquer au lecteur pourquoi l'un de ses héros est nommé de son nom plein alors que l'autre ne l'est que de son diminutif, ne serait-ce, par exemple, que pour qu'on ne juge pas un tel mode d'expression inconvenant et, d'une façon ou d'une autre, familier. Mais, pour cela, il serait nécessaire, en anticipant, d'expliquer et de décrire le rang, et l'âge, et le titre, et la fonction, voire le caractère de ces deux personnages ; et comme nombreux sont les écrivains qui commencent justement ainsi, l'auteur de la présente nouvelle, à seule fin de ne pas leur ressembler (c'est-à-dire, comme le diront, peut-être, d'aucuns, suite à son amour-propre illimité), se résout à commencer tout de suite par l'action. Sa préface ainsi achevée, il commence. » (p. 7)
"Un coeur faible", c'est...
une histoire intensément rythmée par la vie au pas de course que vont endurer en très peu de temps deux tempéraments fougueux,
un fulgurant voyage jusqu'à la folie de l'un d'eux,
une nouvelle interpellante et même émouvante...
Et une peur anéantie : sans doute découvrirai-je un jour d'autres œuvres de Dostoïevski – je l'espère avec encore davantage de plaisir ! –.