C'est un roman d'initiation un peu biaisé que propose Einar Mar Gudmundsson dans Un été norvégien. Parce que le temps a fait son œuvre et que l'auteur n'est pas dupe des naïvetés de la jeunesse, ce qui ne l'empêche pas de célébrer cet enthousiasme à vouloir dévorer le monde, voire à le changer, si possible. Ce n'est donc pas le livre des désillusions mais plutôt celui de la nostalgie et de la mélancolie en cet été 1978, où le basculement entre la génération hippie et celle du no future punk devient palpable. Gudmundsson, dont un tiers des romans seulement a été traduit en français, revient sur une période, autobiographique sans doute, au moins en partie, où alcool, drogue, voyages, amitié, amour et poésie constituaient, à doses plus ou moins homéopathiques et diversement partagés selon les protagonistes du livre, le mode de vie de jeunes gens qui abordaient avec appétit et irresponsabilité le champ des possibles. Il faut s'attacher de près au texte de Gudmundsson dans ses digressions et ses anecdotes innombrables qui multiplient les personnages et ne pas se laisser happer par ce qui a parfois l'apparence d'un maelström. Mais c'est comme si l'on suivait les cahots des souvenirs de l'auteur, à mesure qu'ils viennent, avec ses flashbacks et ses sauts en avant incessants qui donnent à l'ouvrage un côté désordonné assez sympathique et charmeur.