Un homme chez les microbes est un roman d'anticipation (mais plus proche du conte excentrique) publié dans les années vingt par Maurice Renard, et assez typique de cette littéraire populaire française des années folles qui s'est construite sur les restes de Jules Verne et des fantaisies journalistiques.
Fléchambeau, un jeune légitimiste, s'éprend de la belle Olga, qui a pour son malheur des beaux-pères républicains refusant strictement ce gendre potentiel pour sa taille jugée démesurée d'1m96. Il aura besoin de l'assistance de son ami, le voisin d'en face, le Dr Pons, qui va lui concocter une potion rapetissante ; seul problème pour l'ami Fléchambeau, la mixture va faire effet plus que de raison avant de l'expédier tout droit dans l'infra-monde microscopique des microbes.
Sur le papier l'idée fait envie, mais le roman est malheureusement composé d'une manière particulièrement peu engageante, avec une structure en entonnoir de taille comme d'intérêt :
Sur un roman d'un peu plus de deux cent pages, la première partie en contient plus de cent qui se contentera de poser le cadre de l'intrigue dans le monde réel, dans une verve satirique qui rappelle les novellistes fin de siècle mais sans le piquant ni l'originalité. On se moque gentiment des petites préoccupations provinciales des uns et des autres, en effleurant, et on se fait plutôt chier l'un dans l'autre.
La deuxième part du récit sera consacrée, sur une grosse soixantaine de pages, à la découverte du monde des microbes et de leurs mœurs. C'est un peu plus intéressant mais assez décevant lorsqu'on se rend compte très vite que l'imaginaire de l'auteur se limite globalement à recycler Micromégas, cité explicitement à plusieurs reprises, et surtout les Empires et États de Cyrano de Bergerac. On a de ces scènes topiques où le narrateur second découvre une société basée sur des interactions sensorielles qu'il ne peut réellement comprendre, et il est difficile de trouver dans le roman quoi que ce soit qu'on a pas déjà lu avant en SF, en fantastique, en littérature excentrique ou en pulps divers.
La dernière partie du roman et la plus courte nous fait assister à la mort de cette société microbienne, qui sera détruit de l'intérieur dans une scène assez angoissante et visionnaire de guerre chimique à la fois pour son orgueil mais aussi pour son humanité, faisant nimber la fin du roman dans une vision noire et pessimiste qui est loin d'être sans intérêt. Malheureusement, ce chapitre se clôt à peu près du même mouvement qu'il s'amorce et le caractère plan-plan de tout ce qui a été traité avant n'invite guère à rendre ce passage si marquant.
Notons tout de même en ouverture (rédigée sous la forme d'une sorte de script étrange) et en fermeture dans la dernière page une volonté de jouer sur le méta de l'objet-livre en lui-même qui sont assez pertinentes, dans leur volonté de nous inviter à reconsidérer la place de l'homme dans l'univers pris entre plusieurs systèmes de boîtes englobantes ; mais un bon vieux Pascal sur les deux infinis – ou la scène du générique de Men in Black avec les billes – fait ça mieux.
Bof bof, et c'est un autre de ces titres que l'Arbre se vante d'exhumer alors que leur relative disparition tient sans doute davantage à leur manque modéré d'intérêt.
PS : cimer Senscritique de ne pas nous laisser utiliser les symboles plus petit que / plus grand pour les titres. Raf je change pas.