Après ma lecture d’un poisson sur la lune, je suis encore sous le choc des pages et des mots, l’histoire réinventée du fils pour nous parler des derniers jours du père avant son suicide. On touche du doigt ce qu’est la dépression, cette maladie mentale qui empêche cet homme d’à peine quarante ans de vivre normalement. On découvre un père qui essaie de toutes ses forces de retrouver des points d’amarrage auprès des siens, sur les lieux qui l’ont vu grandir, aimer. On part en apnée dans les méandres d’un cerveau déjà lésé, un parcours dans les idées sombres et toujours plus confuses de cet homme incapable de bientôt faire un pas de plus. Ses pensées qui partent dans toutes les directions sans qu’aucunes ne soient la bonne. Sa dépendance au sexe qui prend une part de plus en plus grande au fur et à mesure de sa déchéance. Son obsession pour Jeannette sa dernière femme qui l’a quitté et dont il n’arrive pas à se défaire. Un manque de sommeil devenu chronique et qui pourrait rendre fou chacun d’entre nous. Un dernier effort pour tenter de retrouver la personne qu’il était, la personne qu’il est au fond de lui en effectuant un dernier séjour auprès des siens.
David Vann laisse parler son cœur, son imagination aussi pour retracer très intensément les dernières rencontres de son père dans son harassant parcours de bipolaire entre des épisodes d’euphorie et des chutes vertigineuses dans les ténèbres.
L’auteur a su s’approprier les sentiments profonds, les divagations de son propre père alors qu’on approche de la zone limite où il n’aura plus aucun contrôle sur les évènements.
Un livre difficile à lire car, il fait écho à ce qu’il y a de plus sombre en nous, nous avons tous pu a un moment ou un autre expérimenter des baisses de régime mais là tout paraît surdimensionné. On en prend plein la figure et plein le cœur avec ce sentiment des choses inéluctables, dont rien ni personne ne peut changer le cours. Un livre fort et puissant, qui parle de l’humain dans tous ses désordres, tellement touchant et émouvant. Je ne pouvais m’empêcher de penser à Jim et à ce qu’il allait devenir, c’était douloureux et émotionnellement intense. Doug le frère de Jim et ses parents sont tellement démunis face à cette maladie que leur impuissance est contagieuse. Ce livre reste fascinant dans sa description et sa vision de la maladie et à quel point finalement Jim reste seule face à elle. Je reconnais à l’auteur une force incroyable dans sa capacité à raconter et à faire revivre les émotions liées à ce drame familial. Un livre bouleversant à lire dans une période où l’on va bien de préférence. Bonne lecture.