Elle est dingue cette histoire de poisson sur la lune. Ça m’a rappelé quand on était gosses avec Plum et qu’on lui tirait dans sa gueule à la lune avec nos pistolets en plastoc, on imaginait éclater ses cratères dégueulasses parce qu’on trouvait qu’elle volait trop la vedette aux étoiles, que les étoiles elles crevaient alors que elle jamais, et du coup c'était pas vraiment juste. Après on buvait du thé au lait froid et on oubliait.
David Vann là il fait encore pire que d’habitude. Je veux dire si tu le connais un peu à force de le lire tu sais qu’il écrit des putains de tragédies que mêmes les grecs ils doivent pleurer dessus alors que franchement les grecs c’est les rois de la tragédie il paraît. Si tu connais pas trop David Vann, il a écrit un livre qui s’appelle Dernier jour sur terre, où t’apprends que son papa il s’est suicidé.
Bah Le Poisson sur la lune c’est l’histoire romancée de ça. Et tu le sais hein je te spoile pas. Ça veut dire que t’es averti dès le début. Et tu sais quoi ? Ben t’y vas quand même. Pour le peu de lumière dans l’ombre ? pour satisfaire ton vice de petit voyeur et pouvoir en discuter autour d’une table carrée après ? Donner des armes à ton aigreur et croire que y’a que ta version de la vie qu’est lucide ?
Peu importe. David Vann il lâche rien. Je veux dire même quand tu l’attends au tournant il te surprend. À la fin du bouquin tu vois il félicite la traductrice de ses romans en français en soulignant le fait que son texte même s’il est américain en fait il prend toute sa force dans les langues germaniques. Et si t’as l’habitude des trucs allemands Goethe et tout (j’ai pas lu beaucoup hein j’frime pas, j’ai juste fait allemand à l’école quand j’étais petit alors j’ai lu des trucs vite yeuf c’est tout), ben tu vois que David Vann il sait sacrément bien faire les mariages entre les tragédies grecques et la poésie allemande.
Ce qui est fou c’est que chaque personnage que rencontre Jim Vann correspond à une étape de la dépression qui est super bien décrite quand t’es en plein dedans. Même quand t’y es pas et que tu connais un peu aussi c'est vrai, je veux dire.
Oh et puis cette sensation que t’as quand t’as presque tout lu de cet auteur et que tu te dis « ah mais attends c’est pour ça que dans tel bouquin il dit ça / il parle de ça et bla bla bla bla ». Comme si au fil du temps il avait lâché plein de petits indices tu vois et que t’as presque l’ultime trésor entre tes mains.
Je pense que c’est typiquement le genre de roman qu’on va détester ou surkiffer mais t'auras pas le cul entre deux chaises, parce que ça met tout le monde mal à l'aise. Mais c’était déjà le cas pour Sukkwan Island pas vrai ? Alors je m’inquiète pas trop.
Pour ma part j’ai eu l’impression que pas un copain mais en tout cas quelqu’un que j’admire me racontait un grand secret, avec un peu du mytho de temps en temps pour que ça soit distrayant parce que se lamenter tout le temps ça fait souvent fuir les gens.
Mais le plus important j’ai trouvé c’est le message que j’ai interprété et qui va à l’encontre de ce que plein de gens te balancent dans la vie quand tu vas pas bien. Les dépressifs ont de la volonté et ils font des efforts. Et David Vann il dit ça je crois, ce qui est un bon point dans la vie.
Tu veux en savoir plus ? Bin lis le minou. Moi je suis un peu vidé et tout. Je crois que je vais avoir besoin d’un truc léger après ça bicause on cause quand même de David Vann.