Une silhouette aperçue au détour d’une rue, un souvenir qui ressurgit, est-ce de la nostalgie, du regret ou de la culpabilité? Il s’agit en tous cas d’un être suffisamment important pour que le narrateur, Philippe, se mettre à suivre l’ombre de ce souvenir… Jusque dans les pages de ce roman inspiré d’une histoire vécue, un drame survenu dans la jeunesse de l’auteur, un soir d’été au milieu des années 80.
En 1985, le jeune Philippe a 18 ans et passe comme tous les ans ses vacances sur l’île de Ré. Il est hébergé avec ses parents dans la famille de François, son ami d’enfance. La vie est simple, douce des habitudes retrouvées le temps de l’été. Philippe fait la connaissance d’un ami de François, un dénommé Nicolas, avec lequel il sympathise mais qu’il ne parvient pas réellement à cerner. Nicolas a la tête ailleurs, semble mélancolique parfois mais le temps de la nonchalance, de la légéreté prend le dessus: c’est le temps des rencontres et des flirts. Alice et son frère Marc, croisés sur la plage, les rejoignent et ensemble ils fréquentent les soirées animées du coin. Mais lors de l’une d’elle, l’un d’eux disparait.
Il faut attendre d’avoir une certaine maturité, une acuité envers son passé, pour prendre conscience de certains évènements survenus au cour de la jeunesse et pouvoir en interprèter la réelle portée. Philippe Besson a ainsi attendu d’avoir largement passé la cinquantaine pour avoir le courage d’écrire sur la disparition d’un ami, disons même d’une fréquentation de vacances, mais qui l’a véritablement bouleversé.
« Nous étions six – cinq garçons et une fille – insouciants, frivoles, joyeux, dans un été de tous les possibles. Pourquoi a-t-il fallu que l’un d’entre nous disparaisse ? »
Se soumettre à l’instant est le propre de la jeunesse… Vivre dans l’insouciance est également le propre des vacances, oublier les soucis, l’année scolaire passée et celle qui se profile, pour profiter de l’inactivité et des loisirs… Philippe Besson dresse avec justesse le portait d’une génération, celle des années 80 mais aussi d’une tranche d’âge spécifique celle des 15-20 ans. Vouloir être comme les autres, se fondre dans le moule… la vie banale de chaque adolescent et adulte en devenir. Il s’agit là justement de ce passage à l’âge adulte, brutal car l’évènement qui clot le roman, s’il laisse un vide béant, ferme également des portes. Celle de la nonchalance, de la sérénité qui sera désormais impossible puisque chaque jeune présent ce soir-là, tout au moins Philippe, sera hanté par cette disparition soudaine et inexplicable.
Je n’avais jamais lu Philippe Besson, j’ai découvert une écriture qui révèle avec simplicité et naturel une sensibilité exacerbée. J’ai aimé ce stylé dénudé qui dévoile les nuances dans les caractères des personnages. Et j’ai aimé le sujet surtout, celui des secrets de l’adolescence, de cette incapacité parfois à exprimer ce que l’on ressent. Cela peut malheureusement aller très loin. Je me suis longtemps demandée où voulait en venir l’auteur avec cette fin qui ne s’explique pas. Et puis j’ai compris que tout se cache dans les silences, dans les non-dits de ce personnage un peu triste et préoccupé. Bercé par ce récit langoureux d’un été au bord de mer, le lecteur ouvre les yeux in-extremis : cette bande de jeunes gens est intemporelle, on la croise à toutes époques qu’ils écoutent Daho ou Damso, et le mal-être, l’incapacité à l’exprimer et l’indifférence des autres sont perpétuelles, peut-être même est-ce pire encore aujourd’hui.
Un soir d’été est une lecture agréable et émouvante mais surtout un livre qui éveille la conscience. Je remercie les Editions Julliard via la plateforme Netgalley.