Et de trois ! Après mes deux lectures consacrées à Un petit boulot et Arrêtez-moi là, retour à l'univers grinçant cher à Iain Levison. Jamais le dernier pour tancer sa patrie, dans ses errements, ses oublis, sa mauvaise conscience, il revient pour un nouveau tour de piste. Une surprise en amène parfois une autre, Un voisin trop discret est probablement mon préféré de cette "trilogie" personnelle.
Sur la forme, ce dernier roman rompt avec les deux précédents, avec son narrateur omniscient et l'intrigue morcelée en points de vue (Jim, Kyle, Corina, Grolsch, Madison). Pour le reste, le style est toujours très tranchant quand il s'agit d'évoquer les diverses ironies ponctuant les vies de gens à priori quelconques, desquelles il tire quelques aphorismes cruellement drôles (et justes). Levison a une manière bien à lui de jouer avec ses lecteurs en les obligeant à suivre des personnages dans le brouillard moral. Paradoxe, ce nouveau récit pousse le vice assez loin tout en se déroulant sans le moindre accroc.
Toute la beauté d'une histoire contée en perspectives, c'est qu'on grappille des informations à la volée pour éclairer la lanterne. Finalement, on réalise qu'en dégageant la brume, on est pas tant avancé que ça. Les pages se tournent, les petits secrets ou vilains mensonges se retrouvent un peu partout et c'est à qui finira le moins éclaboussé. Nul secret pour un habitué de l'auteur, ça se jouera souvent à pas à grand chose.
Sans masquer l'observation désabusée de son pays (terre des apparences, mère de bien des maux) Levison en tire néanmoins une fable immorale sur cette notion "d'un mal pour un bien" qui recouvre très souvent une vérité plus crue, donc une réalité plus crasse puisque occultée derrière un simulacre. Si le message n'était pas assez limpide, Levison garde en réserve une dernière pirouette histoire de finir dans un éclat de rire dont on se sent bien vite coupable.