Il y a des années, Margaret Weis et Tracy Hickman ont mis la barre très haut avec l’Épreuve des Jumeaux, dernier volet de l'excellente trilogie Légendes de Dragonlance: tellement haut en fait que ma joue reste encore endolorie après une claque pareille. Et après ils sont revenus comme si de rien n'était à leur niveau ordinaire qui se situe à "plaisant mais rien d'extraordinaire". Les Chroniques Perdues consacrées à des aventures inédites de la guerre de la Lance? Rien de mémorable et d'indispensable à part le très bon Mage aux Sabliers. La trilogie La Guerre des Âmes consacrée à l'ultime affrontement entre le bien et le mal? Malgré une accroche pareille, on est tellement à des années-lumières des Légendes de Dragonlance en terme d'épique et d'intensité que je n'en retiens quasiment rien.
Un beau jour de septembre, alors que je traine au rayon librairie d'une grande enseigne, je tombe sur un roman qui aborde en couverture un personnage familier... Une âme bien trempée, tel est le titre de l'ouvrage, surmonté d'un gigantesque WEIS & HICKMAN. Diantre! Je ne m'y attendais pas. Il faut savoir que cette anecdote se situe pendant la période 2008/2009/2010 où tous les romans Dragonlance était alors réédités en version intégrale française. Repensant à la gifle reçue il y a une dizaine de mois, j'achète immédiatement l'ouvrage en espérant fortement retrouver enfin quelque chose de similaire.
I. De retour:
Raistlin, car c'est bien lui sur la couverture, se voit enfin consacrer de nouveau un roman dont il est le personnage principal. Et pas n'importe quel roman puisque celui-ci s’attelle à nous raconter sa jeunesse lorsqu'il n'était qu'un adolescent chétif constamment dans l'ombre de son frère. En fan absolu de cette raclure qu'est ce toussoteux bougon et cynique je ne peux qu'applaudir à cette nouvelle: Une Âme bien trempée va forcément être mieux que tout ce qui est paru depuis l’Épreuve des Jumeaux... Et bon sang, que ça fait du bien d'avoir raison.
Hors de question de faire comme d'habitude, je vais vous en révéler le moins possible sur l'intrigue: elle se consacre à initiation à la magie de Raistlin et à sa rencontre avec ceux qui deviendront par la suite ses compagnons d'aventure dans les Chroniques de Dragonlance.Tanis, Flint, Tass, Sturm (alors adolescent sans moustache et à peu près du même âge que Caramon et Raistlin)... Ils sont quasiment tous là. Les anecdotes mentionnées dans les ouvrages précédents se voient enfin expliquées et développées, tout comme les personnalité de certains: voir un Tanis déjà adulte alors que Caramon, Raistlin et Sturm ont encore du lait derrière les oreilles fait son petit effet, je ne vous le cache pas.
II. Du neuf avec du vieux:
Weiss et Hickman ont vraiment fait de leur mieux pour proposer un roman divertissant et intéressant même si le gros de la jeunesse de Raistlin était déjà connu. Il ne propose pas qu'une seule aventure mais plusieurs et ce, étalées sur plusieurs années. Suivre Raist' au quotidien, connaitre sa relation amour/haine avec son jumeau tellement meilleur que lui, revoir le cadre familier de Solace, retrouver les tours de la Haute-Sorcellerie, se trimballer un fichu kender dont personne ne veut... C'est génial. Il n'y en a jamais assez. Ça tient d'ailleurs du miracle: comment peut-on devenir si attaché à des personnages qui, pour la plupart, n'étaient à la base que de pâle copie bien moins intéressantes que leur modèle? Et tiré d'un premier livre si peu original?
La réponse est simple: l'expérience acquise au fil du temps. Weiss et Hickman se sont enfin appropriés leurs personnage et leur univers, tandis que leur talent d'écrivain à évolué. La narration est plus fluide, mieux maitrisée... Le monde de Krynn dépeint dans cette Âme bien trempée se montre enfin vivant et n'est plus cette espèce de vague toile de fond servant juste à établir un cadre comme dans Dragons d'un Crépuscule d'Automne.
III. "Caramon, ma tisane!":
Une Âme bien trempée est un retour à la grandeur qui fait plaisir à voir. Malgré l'absence d'événements épiques et de divinités surpuissantes (un clin d’œil est cependant fait à cet espèce de vieux timbré de Paladine) et malgré quelques faux raccords avec les livres précédents et raccourcis inévitables, nous tenons là le meilleur de Dragonlance depuis un moment. En fait, depuis le dernier ouvrage consacré à notre tuberculeux et aigri de service, comme par hasard...
Souris un coup, grincheux, tu es un coup de cœur.