Comme dans le roman précédent de Cécile Coulon, Une bête au Paradis est marquée par l'esprit d'un lieu, une ferme isolée en l'occurrence, et l'opposition entre campagne et ville, la deuxième menaçant de contaminer la première avec ses valeurs de superficialité. Tant par son extension spatiale inexorable que par ceux qui l'habitent comme Alexandre, le personnage négatif du livre, dont la beauté physique cache une âme moins reluisante. L'une des forces de l'auteure clermontoise, et c'était déjà patent dans Le roi n'a pas sommeil, par exemple, est de savoir créer des personnages denses et crédibles. C'est encore le cas dans Une bête au Paradis avec Blanche, sa jeune héroïne très attachée à sa terre, Gabriel, son frère fragile, Emilienne, la grand-mère qui voit tout et Louis, le commis amoureux, ancien enfant battu. Alexandre s'oppose à eux par son ambition sans scrupules mais cette fois la romancière a fait de lui un protagoniste archétypal, tellement chargé de tous les maux charriés par l'univers urbain qu'il en devient presque une caricature et n'est pas loin de remettre en cause la structure narrative du livre. En outre, on y retrouve que dans une moindre mesure le lyrisme tellurique qui irriguait Trois saisons d'orage et sa puissance descriptive sauf peut-être dans la scène d'ouverture avec les cochons que l'on abat et l'une des toutes dernières, encore avec ces mêmes animaux. De là à intituler le roman Les porcs de l'angoisse, il n'y avait qu'un pas, heureusement pas franchi. Plus sérieusement, les qualités d'écriture et le sens du tragique de Cécile Coulon sont à l'évidence toujours présents, en faisant une romancière parmi les plus passionnantes dans sa génération. Elle aura 30 ans l'année prochaine et il n'y a pas de raisons que son talent se tarisse, à condition de peut-être sortir de ses thèmes de prédilection en s'aventurant sur de nouveaux terrains de jeu.