Tous les livres de Sorj Chalandon racontent des combats à mener. Dans Une joie féroce, il n'est cette fois ni question d'Irlande du Nord ni de Moyen-Orient mais de lutter contre le cancer, une guerre intime à essayer de gagner seul(e) ou, en l'occurrence, avec d'autres malades, avec lesquel(le)s on partagerait les hauts et les bas. Le sujet est proche de l'auteur pour des raisons personnelles et toute la première partie d'Une joie féroce raconte avec minutie et bienveillance le désarroi de son héroïne, Jeanne, aux prises avec son ennemi intérieur et le regard des autres avec pour unique réconfort la présence de ses nouvelles amies confrontées aux mêmes périls. Certes, c'est le genre d'histoire que l'on rencontre assez souvent dans la littérature mais Chalandon n'est pas n'importe quel écrivain et avec une écriture mêlant puissance et délicatesse, il parvient à nous toucher et à nous convaincre d'accompagner Jeanne et ses coreligionnaires vers un destin que l'on pressent funeste. Autant dire que l'on est très surpris quand le livre bifurque du mélodrame au roman d'aventures, avec un aplomb étonnant. Après le côté réaliste, voici le versant fantaisiste d'Une joie féroce qui forcément désarçonne. Qu'importe, au fond, car comme l'espoir pour quelqu'un qui se bat pour survivre, l'important est de faire semblant d'y croire et de se laisser entraîner dans les péripéties les plus extravagantes. Un peu de rose dans le noir et advienne que pourra. Honnêtement, ce n'est certainement pas le meilleur livre de Sorj Chalandon mais sans doute celui qu'il avait besoin d'écrire à ce moment précis de sa vie et voilà tout.