Dans les montagnes des Catskills, au nord de New York. Un jeune homme se promène sur un pont lorsqu'une voiture se dirige droit sur lui et le percute.
Bon, eh bien ça, c’est ce que dit la quatrième de couverture. C’est le point de départ – ou d’arrivée – de l’histoire que nous raconte Benoit D’Halluin. Un fait-divers, me direz-vous. Un fait-divers que Benoit D’Halluin va développer sur 340 pages…
Benoit d’Halluin est un auteur Franco-Canadien. Il est né à Toronto en 1985. Il est arrivé en France à l’âge de dix ans. A grandi à Reims et à Paris. Il vit entre Paris et New York où il travaille comme directeur marketing pour la marque de cosmétique de luxe "Estee Lauder" mais revient souvent en France et notamment à Nice. Il se sent aussi à l’aise dans la culture européenne que dans la culture américaine.
Parallèlement à des études de commerce (ESCP Europe), il a suivi une formation d’histoire de l’art à l’École du Louvre.
Une nuit sans aube est son premier roman.
Je suis sensé ne rien révéler de l’intrigue pour vous laisser le plaisir intact de la découverte. Mais là il me semble que je dois faire une petite entorse à la règle.
Ce livre a été recommandé dans la revue "VERSION FÉMINA" du 30/05/22 me donnant l’envie d’en savoir plus : « Dans ces pages que l’on tourne à toute vitesse, le jeune romancier nous plonge dans une intrigue palpitante et émouvante autour des secrets de famille et d’amour interdit. » En regardant sur la FNAC s'il existe en version numérique, je découvre que 31 lecteurs l'ont lu et noté 5/5 ! Ce qui a emporté mes dernières hésitations.
Alors, de quoi s’agit-il ?
Une précision s’impose. Je n’avais spécialement noté la mention « d’amour interdit » du commentaire. Je ne pense pas être particulièrement prude et intolérant mais certainement d’une génération "hors course".
Dans ce livre, la normalité des relations sentimentales et/ou sexuelles, sont celles entre garçons homosexuels. On a droit un peu à tout, depuis l’acte pédophile jusqu’à l’amour fou et exclusif, en passant par les amours adolescentes et les plans cul des adultes désabusés, voire au suicide du grand désespéré. S’en suit par moment de la lassitude et un sentiment de saturation assez pénible. Est-ce uniquement dû à l’orientation sexuelle ? Au risque de paraître ringard, je reconnais ne rien savoir des habitudes sexuelles des homos, mais la description de la frénésie des "plans cul" et des "coups d’un soir", laisse particulièrement songeur et renvoie au livre de Karine Tuil, Les choses humaines (côté hétéro).
À part ça (comme dirait le chroniqueur sportif) l’auteur nous fait profiter amplement de sa double culture franco-canadienne ou plus exactement d’européen/américain du nord. Et la culture États-unienne en prend pour son grade :
Marc, l’un des protagonistes observe le monde depuis son bureau au 48e étage de son gratte-ciel à New York : « Le ciel est d’un grand bleu, l’air doit être doux et fleurer bon le printemps, surtout aux abords du parc. À l’intérieur, on ne sent rien – les vitres ne s’ouvrent pas – et il fait froid – parce que, bien sûr, la clim est poussée au maximum. Bienvenue aux États-Unis. Il frissonne et contemple les feuillages du parc, les toits hérissés du Plaza et surtout les gens qui font la queue pour acheter le dernier iPhone chez Apple. Comme si ça pouvait les rendre heureux … La société de consommation est une société de consolation. »
Toujours Marc, il passe à table, enfin… « Il s’assoit en face de l’habituel bol en plastique. Il n’en peut plus de ces foutues salades. Ici personne ne déjeune : on mange. »
La Floride, Miami, le rêve : « Les touristes, les rouleurs de mécaniques, les vieillards cubains aux visages crevassés par le soleil et quelques vieilles Cadillac ralentissant devant des femmes qui invitent à la débauche. Vus de loin, les hôtels semblent encore rivaliser de flamboyance ; mais dès qu’on s’en approche, le soleil intraitable ne laisse aucun droit à l’erreur. Les pastels sont fatigués, les frontons fissurés. Le futur merveilleux qu’ils annonçaient n’est jamais advenu et, dans le mirage de cette douceur caribéenne, la décadence à pris le pas sur l’indolence. » Etc.
Alors je suis bien ennuyé pour mettre une note, partagé entre la saturation des scènes de sexe hygiénique ou enflammées et l’approche psychologique des personnages, entre l’étude de la société et le suspens de la situation, pris entre l’empathie pour les personnages et l’envie de connaître le dénouement on ne sait plus ce qui trop lent ou pas assez. Ce livre n’est, en fin de compte, pas banal, et parmi toutes les leçons données je retiendrai celle qu’a retenue Marc : « Il ne veut plus réussir dans la vie, il veut réussir sa vie. »
Nota : Quelques extraits dans la liste Q - Fragments