Par où commencer ? Comment parler de ce livre bouleversant, inoubliable ? C'est ma deuxième lecture, la précédente datant d'il y a plus de 10 ans. Le même choc, les mêmes rires, les mêmes larmes, la même plongée dans la vie de Owen Meany et de son meilleur ami, John Wheelwright.
Owen Meany est un garçon tout petit, tout léger à la voix complètement déglinguée et à la personnalité bien trempée. John Wheelwright, le narrateur est un garçon tout ce qu'il y a de plus normal, voire un peu effacé. Si c'est l'histoire d'Owen que John raconte en premier lieu, c'est aussi la sienne, intimement liée au destin d'Owen Meany. Destin décidé par Dieu, destin qui sera révélé à Owen d'une bien étrange façon et qui façonnera ses actes jusqu'à sa réalisation.
S'il ne devait rester qu'un livre sur terre. C'est celui-là que je choisirais de garder. C'est le livre le plus juste, le plus vrai qu'il m'ait jamais été donné de lire.
Les personnages sont tellement bien dessinés que l'on a l'impression de vivre avec eux, de les avoir en face de nous. Ils sont d'une cohérence parfaite, leurs attitudes ne nous paraissent jamais sorties de nulle part ou ne correspondant pas à ce que l'on aurait pu s'attendre d'eux. Ils ont leur caractère, leur façon de parler, d'agir, comme s'ils étaient vrais ou avaient vraiment existé.
L'histoire et sa narration est stupéfiante de réalisme et de justesse également. John raconte, dans l'après coup, comment il en est venu à croire en Dieu. Les 700 pages du livre sont consacrées à expliquer les premières phrases du livre :
Si je suis condamné à me souvenir d'un garçon à la voix déglinguée, ce n'est ni à cause de sa voix, ni parce qu'il fut l'être le plus petit que j'ai jamais connu, ni même parce qu'il fut l'instrument de la mort de ma mère. C'est à lui que je dois de croire en Dieu ; si je suis chrétien, c'est grâce à Owen Meany.
Qu'on ne s'y trompe pas, ce n'est pas le récit d'une grenouille de bénitier. C'est un récit poignant sur l'amitié inconditionnelle, sur la foi et le rapport à la religion, sur la politique américaine en particulier pendant la guerre du Viet-Nam. Du passé au temps présent, la narration de John Wheelwright ne donne jamais l'impression d'être décousue, tout s'enchaîne avec fluidité. A tel point que l'on se demande quelle part de lui-même John Irving a placé dans ce livre. D'ailleurs, il partage de nombreux points communs avec John Wheelwright.
Le style d'Irving est imparable. Il manie l'ironie, l'absurde et l'émotion d'une main de maître, nous faisant passer du rire aux larmes comme un public de pièce de théâtre . Dans le domaine de l'absurde, on ne peut échapper à la scène d'Owen en troisième esprit de Noël dans la pièce annuelle adaptée du conte de Dickens, celle de la coccinelle au milieu du gymnase ou encore celle de la Nativité, Owen jouant le rôle du petit Jésus. Quant aux larmes, on n'y échappera pas à plusieurs reprises.
Non, vraiment, jamais un livre n'aura atteint, à mes yeux, un tel degré de perfection. A lire absolument.
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