Si la journée est belle et que la vie vous sourit, ne vous précipitez pas trop vite sur ce petit livre étonnant. Car "Une trop bruyante solitude" est d'une indicible noirceur. Mais cette noirceur vaut le détour, je vous rassure. Bohumil Hrabal, contemporain de Kundera, nous propose une fable glaciale et désabusée sur l'état du monde et de sa Tchécoslovaquie natale. On suit la vie de Hanta, un homme d'une grande tristesse dont le travail est de passer du papier (et donc des livres) au pilon. Il sauve certains de ces livres, dont la sagesse le nourrit et le réconforte. Hélas les temps changent et le stakhanovisme triomphant va bouleverser son univers.


Chaque chapitre, qui commence presque tous de la même façon, nous propose une petite vignette de la vie de Hanta, son combat avec ou contre les souris, ses amitiés, ses premières amours. Il est une chose entre mille devant laquelle Hrabal ne recule pas, c'est l'excrément, le pestilentiel, le dégoûtant. Son amour de jeunesse disparaît dans une triste affaire de chiotte, les rats de la ville de Prague se livrent une guerre sans merci dans les égouts de la ville, des fleuves de merde entourent les vivants (Kundera va quelque peu piller cette idée, en hommage peut-être? ). Cette puanteur excrémentielle est clairement à l'aune de ce que Hrabal pense du monde moderne. Et quand il évoque le socialisme triomphant des jeunes générations, c'est clairement pour montrer que la nouvelle propreté ne fait que masquer une réalité profondément malsaine .


Il y a tant à commenter dans ce petit livre, mais le destin de la culture est naturellement un thème central du livre, avec ses classiques auteurs livrés au pilon(beaucoup sont cités) , avec les tentatives de sauvetage de ces œuvres dans les églises, chez les profs, les amis etc... Le héros se construit une forteresse de livres qui menace de s'écrouler sur lui, image simple du danger que la connaissance fait courir au curieux sous une dictature. Il opposera d'ailleurs vivement le passé tzigane, sale et vivant, avec la modernité (Coca cola et socialisme) mortifère et ignorante qui s'installe (1976)


Ce livre est donc noir par le jugement de l'auteur sur la société qui l'entoure , on s'y attendait vu le contexte tchèque, mais aussi il distille une angoisse plus personnelle qui est celle de l'aliénation de sa propre valeur, de la peur de n'être plus rien, du jugement des autres. Le pressoir dont il se croyait maître devient un monstre indomptable. Devant son inadaptation, ce disciple de Camus trouvera sa solution. C'est noir comme la littérature de l'Est peut l'être mais je vous le recommande.

nostromo
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le 20 juil. 2014

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nostromo

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