Une vie entière est encore meilleur que Le tabac Tresniek et ce n'est pas peu dire. Le héros de Robert Seethaler mène une vie somme toute banale d'homme ordinaire, sans intelligence ni curiosité particulières et c'est tout le talent du romancier autrichien que de nous le rendre proche avec sa prose empreinte de poésie, de mélancolie et de tendresse. Son nom est Egger, Andreas Egger, il est orphelin et confié à une brute épaisse qui rend son enfance douloureuse mais jamais il ne se plaint. C'est la vie, n'est-ce pas ? Mais sa chance est de côtoyer les alpes autrichiennes et de vivre au rythme de la nature. Employé au téléphérique en construction, homme simple et rugueux, il n'aura qu'un seul amour, emporté une avalanche. La deuxième guerre mondiale lui "offrira" le seul voyage de son existence dans le Caucase avec un long séjour en détention avant de revenir près de ses chères montagnes. Et le temps passera avec ses petites joies et quelques malheurs. Rien d'autre à signaler sur cet anonyme qui se contentera de vivre et d'observer d'un oeil circonspect les progrès de la civilisation. Très peu pour lui, Egger n'a besoin que d'un toit, d'un travail et de pouvoir contempler le passage des saisons en attendant "la femme froide", autrement dit la mort. Economie de mots, mais ceux-ci sont toujours justes et précis, sobriété pour conter l'histoire d'un homme dont les pas dans la neige sont depuis longtemps recouverts. Une vie entière est un roman magnifique et émouvant qui ne cherche jamais l'emphase ou le mélodrame. En cela, le portrait de cet homme quelconque et honnête est juste bouleversant.