Orphelin, enfant maltraité et solitaire puis ouvrier sur le chantier du téléphérique et enfin guide de montagne : la vie d’Andreas Egger a beau être presque parfaitement immobile, dans un petit village des Alpes autrichiennes, elle s’avère tout de même bien remplie. Au cours de cette vie, le tourisme de masse gagne les montagnes et une guerre mondiale éclate. Egger, comme tout le monde, y participe, mais même cet événement et sa violence, qu’il ressent pourtant dans sa chair, ne bousculent réellement la sobriété radicale, tout en ellipses, d’Une vie entière ni n’entament l’éthique de la volonté et de la droiture de son héros : vivre une vie debout, par-delà les drames et les souffrances personnelles comme universelles.
Quelques jours après avoir terminé Une vie entière, je me demande encore s’il y a là une forme d’inconséquence coupable vis-à-vis de la marche du monde, qui rend ce livre aussi minuscule que la vie qu’il décrit, ou s’il tire précisément sa force de cette impassibilité qui lui donne l’allure d’une montagne ramuzienne, insensible aux convulsions dérisoires de l’humanité.