Dystopia XXI

Ce qui est intéressant c’est que je n’aime pas Aymeric Caron, ou plutôt, je n’aimais pas l’image que j’avais de lui à « on n’est pas couché » : Un mec arrogant, de mauvais foi et refusant de voir certaines réalités en face lorsque cela ne rentre pas dans son logiciel idéologique. N’étant pas souvent d’accord avec lui, cela m’a rendu la lecture d’Utopia XXI d’autant plus intéressante, et j’ai beaucoup aimé lire ce livre.

L’ouvrage se divise en trois livres. Le livre I est une conversation imaginaire avec le descendant du personnage de Thomas Moore. Cette partie permet d’expliquer comment Aymeric Caron imagine son « Utopia » et donne le ton sur les propositions développés plus tard. Le livre II est une critique de notre monde divisé en sous-parties avec une proposition utopique en conclusion de chaque partie. De nombreux sujets y sont traités : La démocratie, le travail, l’argent, le terrorisme, la nation, la liberté, l’égalité et enfin la fraternité. Le troisième livre est très court et plus philosophique.

La démocratie :
Caron y développe la thèse de la ploutocratie, du totalitarisme soft et de la dictature de la majorité. L’auteur n’invente rien de nouveau là-dessus, mais c’est très bien expliqué. Hannah Arendt et Alexis de Tocqueville sont régulièrement invoqués pour développer la théorie, de nombreux exemples sont donnés pour y faire le lien au réel. Caron m’a même surpris en utilisant l’exemple (parmi d’autres) du FN mal représenté à l’assemblée nationale par rapport à son score aux urnes pour dénoncer les failles du système électoral, il y voit une injustice. Un exemple qui ne lui sert pas idéologiquement et qui montre qui est de bonne foi (P.141).
Lors des propositions utopiques on peut y voir des choses intéressantes, comme le permis de voter et l’abolition du scrutin majoritaire à deux tours, d’autres moins comme le fait de « bannir des menteurs du débat public ».

Le travail :
Pour le travail, évidemment, Aymeric Caron nous sort tous les grands classiques marxistes, de la lutte des classes à l’aliénation par le travail. C’est également très bien expliqué et de (trop ?) nombreux exemples sont là pour les illustrer. Comme c’est souvent le cas avec le marxisme, le diagnostic est pertinent. Là où le marxisme bloque toujours, c’est au niveau des solutions : utopique. Mais là, ça passe, vu que c’est le titre du livre : Semaine de 15H, Revenu universel. Des solutions excellentes mais compliqué à mettre en place dans notre économie mondialisée.

L’argent :
L’argent en prend évidemment pour son grade : l’argent qui corrompt, l’argent antidémocratique, l’argent qui n’existe pas, le mensonge de la dette etc... Ce qui est génial avec cette partie, c’est que Caron arrive à faire une grosse partie du livre sur de l’économie, de façon pédagogique et agréable. Un chapitre très claire est même destiné à « une histoire très rapide mais très constructive de l’argent ». La crise des subprimes sont expliqués, comment les banques fabriquent de l’argent en autres. Une sous-partie consacrée à Adam Smith y est même développé, l’analyse d’Aymeric est très pertinente sur la volonté de Smith dans ses ouvrages, et de comment les ultralibéraux d’aujourd’hui se l’approprient pour faire passer leurs politiques. Dans cette partie encore, de nombreux cas concrets sont développés et l’enchainement de ceux-ci nous permet de voir comment le monde marche sur la tête.

J’ai trouvé les parties suivantes un moins passionnantes et moins pertinentes mais pas désagréable à lire. J’ai tout de même ri lorsque j’ai lu qu’Aymeric Caron parlait de « police de la pensée » (P.473) et « qu’on ne peut plus rien dire » (P.429), sorte d’ironie, lui qui était un dictateur de la bonne conscience il y a quelques années chez Ruquier.

Conclusion:
Utopia XXI est un livre vraiment utile. Un livre accessible, agréable à lire et pédagogue. Aymeric Caron n’invente pas grand-chose, mais le fait d’avoir rassemblé autant de recherches et d’analyses rend son travail très intéressant. L’analyse personnelle de l’auteur est également intéressante même si elle peut être critiquable. Beaucoup de propositions sont évidemment compliqué à mettre en place aujourd’hui mais mérite au moins qu’on y réfléchisse très sérieusement. D’autres propositions sont juste urgentes à appliquer. L'auteur nous montre en rassemblant toutes ces connaissances en 500 pages dans quel état est l'humanité et nous fait nous poser la question: "Comment nous en sommes arrivé là?".
Un constat alarmant conclut par une pensée sur la race humaine en fin de livre nous fait voir l'avenir d'un œil plus dystopique qu'utopique...