Utopiales 2009 est l'anthologie officielle de la dixième édition de l'éminent festival nantais de science-fiction. La publication d'une anthologie au moment des Utopiales était une tradition portée par L'Atalante, jusqu'à ce que la maison d'édition nantaise ne décide d'arrêter de s'y plier. Après plusieurs années sans recueil de nouvelles officiel pour le festival, ActuSF reprend le flambeau.
Invités de l'édition 2009, Stephen Baxter, Robert Charles Wilson, Pierre Bordage, Walter Jon Williams, Catherine Dufour et Jean-Philippe Jaworski y participent[1].Ugo Bellagamba introduit leurs textes dans une préface qui essaie de répondre – sans le faire évidemment, sinon à quoi servent les textes ? – à la question qui est le thème du recueil et des Utopiales 2009 : où sont passés nos mondes meilleurs ?

Les Perséides, de Robert Charles Wilson, est une nouvelle dans le plus pur style de l'auteur canadien : elle met en scène des protagonistes aux personnalités développées avec soin. On y fait en effet connaissance avec un libraire féru d'astronomie, qui fréquente une jeune femme qu'on va définir comme compliquée – pour ne pas dire un peu zarbi. Le texte est une longue description de leur relation, de son évolution jusqu'à un moment où l'histoire rejoint enfin le thème de l'anthologie. Il ne se passe pas grand-chose dans ce récit, mais Wilson y est un fabricant de personnages extrêmement compétent, savoir-faire qu'on lui connaissait déjà.

Suit le texte de Catherine Dufour, Un temps chaud et lourd comme une paire de seins. Elle y décrit une Terre parallèle sur laquelle les femmes, chargées à l'adrénaline, dirigent la société et où le rapport noirs/blancs est inversé par rapport au nôtre. Le personnage principal est une policière qui fait le constat des relations femmes/hommes, et notamment les relations de violence. Catherine Dufour est un excellent écrivain et je dis dès que je le peux[2]. Sa nouvelle est très bonne. Peut-être même la meilleure de l'anthologie.

Dans Elvis le Rouge, Walter Jon Williams fait de l'uchronie. L'Histoire y dévie avec l'adhésion d'Elvis Priesley aux valeurs communistes. La nouvelle est assez peu intéressante, je trouve, car je ne vois pas en quoi il y aurait réellement un changement. D'ailleurs, Williams ne le montre pas non plus vraiment. Bien sûr, Elvis a inventé le rock, mais de là à dire qu'il ait changé la face du monde d'une quelque autre façon au cours de sa courte existence, il y a un goufre.

Pierre Bordage livre dans Utopiales 2009 un texte très différent de sa production habituelle. De ma prison... est un récit livré par un personnage qui fait le bilan des réalisations humaines, dans le domaine intellectuel, au cours de l'Histoire. Le texte est empreint d'un pessimisme qui fait réfléchir. Et si Bordage avait raison...

Changement total de style avec George et la comète, nouvelle de Stephen Baxter dont on conviendra de la nature un peu ridicule – désuète – du titre. Le texte, lui, est loin d'être idiot. On y voit deux hommes aux esprits transposés dans des corps de primates. Ils ne savent pas pourquoi, à quelle époque ils sont ni où ils se trouvent. C'est le premier texte de Baxter que je découvre. Je ne sais pas s'il est représentatif de ce que fait l'auteur anglais (je ne suis pas sûr), mais la nouvelle se révèle passionnante, et plutôt humoristique à la fin, contrairement à un début peu joyeux.

Jean-Philippe Jaworski est également un auteur que je ne connaissais pas. Préquelle est une nouvelle de fantasy – Horreur ! Malheur ! – parfaitement lisible, pour ne pas dire très bonne. De quoi prétendre que la fantasy peut être de qualité, ce qui est quand même une constatation qui vaut son pesant de cacahuètes. En tout cas, un texte de qualité donne bien envie d'aller voir un peu plus en détail ce dont est capable l'auteur de Gagner la guerre, en commençant peut-être d'abord par Janua Vera.

Utopiales 2009 est donc une anthologie de très bonne tenue. Il n'y a peut-être pas de pépites d'or dedans, mais des bons textes et, surtout, pas de franchement mauvais. Et c'est déjà là ce qui en fait une anthologie exceptionnelle.


[1] La nouvelle de Walter Jon Williams n'est toutefois pas un inédit.
[2] Son texte dans Retour sur l'horizon était un des bons de l'anthologie et Le Goût de l'immortalité est juste un excellent roman.
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le 17 déc. 2010

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