Vitezslav Nezval, éminente figure du poétisme (qui se mue ensuite en surréalisme) nous offre ici ce qu’il qualifie de « roman noir », c’est-à-dire un ouvrage inspiré de l’atmosphère particulière issue des caves mystérieuses, des mascarades terrifiantes, des cryptes et autres cimetières inquiétants. Nezval fait en effet un clin d’œil (parfois parodique) à la veine gothique du romantisme en menant la protagoniste, la jeune Valérie de dix-sept ans, dans des décors sombres et topiques. En fait, il s’agit même d’un conte noir, puisque Nezval joue avec ce genre littéraire et sa dimension populaire (dans les deux sens du terme – on reconnaît aussi bien la référence à Lewis Carroll qu’au Petit chaperon rouge !) C’est donc la dimension merveilleuse qui prévaut tout au long du récit, intégrant métamorphoses, enchaînements de péripéties rocambolesques, rencontres presque fantastiques…
Pourtant, malgré le style sobre hérité du conte, ce roman n’est pas aussi ‘naïf’ qu’un traditionnel conte de fée et met notamment l’accent sur un érotisme voilé qui renvoie sans doute à la fascination de Nezval pour Sade. En effet, le style demeure gazé et est donc beaucoup moins cru que ce à quoi je m’attendais, bien que les missionnaires sont libidineux et que plusieurs étreintes sexuelles se déroulent sous les yeux chastes de Valérie.
Tes seins ont la blancheur d’une semoule surfine et leurs bouts sont des grenats de Bohême dont l’éblouissant chatoiement traverse ta robe.
C’est pourquoi l’initiation sexuelle de celle-ci, promise par ces sept nuits des merveilles, relève plus d’un apprentissage global, voire d’une quête des origines puisqu’il s’agit aussi d’interroger – et de révéler – l’ascendance de la protagoniste. Ainsi, cette semaine se révèle porteuse d’une expérience ambiguë, dont la complexité relève tant de l’absence de manichéïsme (puisque les personnages ne sont pas toujours ce qu’ils paraissent et font éprouver des sentiments contraires) que de l’absence volontaire de morale définitive.
En fait, ce roman me paraît exhiber l’interprétation psychanalytique que l’on peut faire des contes de fée, notamment par les motifs du désir et du viol, qui paraissent des poncifs lourds de sens aujourd’hui. Mais au-delà de cette lecture peut-être trop sérieuse, ce qui fait le charme de ces pages réside surtout dans l’attrait pour le mystère que l’auteur souligne dans l’avant-propos : on se laisse facilement mener par Valérie dans toutes ces aventures plus insolites les unes que les autres, gentiment charmés par des actions et des révélation que l’on sait déjà invraisemblables. Alors, vivons la merveille et laissons nous entraîner dans ce roman noir, où les greniers sont enchantés et les hospices hantés…