Oedipa Maas, jeune californienne mariée à un vendeur de voitures d'occasion devenu DJ pour une radio locale, va se retrouver impliquée dans une conspiration mondiale suite à la mort d'un de ses anciens amants qui a fait d'elle son exécutrice testamentaire. Elle découvrira les liens existant entre un révolutionnaire espagnol du XVIème siècle, une mystérieuse pièce de théâtre élisabéthaine et une compagnie postale secrète, tout en côtoyant notaires libidineux, philatélistes obsédés et psychiatres nazis.

Le deuxième roman publié par Thomas Pynchon est également le plus accessible de tous. Une seule ligne directrice (le voyage d'Oedipa) et un récit parfaitement linéaire rendent la compréhension de l'intrigue aisée : on est loin des allers et retours constants entre les différents fils narratifs et niveaux de diégèse que l'on trouve dans V, Gravity Rainbow ou Against the Day. Sans doute est-il le meilleur point de départ possible pour qui veut découvrir l'oeuvre de Pynchon sans avoir le sentiment de devoir escalader l'Everest.

Il ne faudrait pas pour autant croire Vente à la criée moins riche que les autres oeuvres de Pynchon. L'intrigue, en effet, est extrêmement dense : Oedipa et le lecteur se retrouvent plongés dans un réseau de signes multiples et contradictoires, emportés dans une course onirique à la poursuite d'une révélation qui semble toujours à portée de main mais que l'on n'atteint jamais.

On retrouve dans ce roman tous les ingrédients caractéristiques de l'écriture de Pynchon, de son style parfaitement jouissif (admirablement servi par l'excellente traduction française de Michel Doury) à son humour grinçant ("Elle se réveilla pour s'apercevoir qu'elle était en train de se faire enfiler"), en passant par ses références savantes ou populaires (de Perry Mason au démon de Maxwell, c'est dire...).

Chef-d'oeuvre de la littérature postmoderne, le roman est simultanément l'une des critiques les plus mordantes de la culture hippie des années 60, dont Mucho et le docteur Hilarius sont les parfaits représentants : sa musique, son amour du LSD, sa paranoïa ambiante, son obsession pour la sexualité... Pynchon pose un regard implacable sur une Amérique en quête de sens, en quête de son identité.

"Mais vous ne comprenez pas. (Il s'énervait.) Vous êtes tous comme des puritains devant la Bible. Obsédés par les mots, les mots. Savez-vous où cette pièce existe ? Ce n'est pas dans ce classeur, ou dans ce livre de poche que vous cherchez (ici, une main surgit soudain de la vapeur et pointa un index vers son front), c'est ici, dans ma tête. C'est à cela que je sers. A incarner l'esprit. Les mots, qui s'en soucie ? Ce ne sont que des bruits appris par cœur, pour franchir la barrière des os dans la mémoire des acteurs. C'est dans cette tête qu'est la réalité. Dans ma tête. Je suis le projecteur dans le planétarium, avec tout ce petit univers fermé visible dans le cercle de cette scène qui jaillit de ma bouche, de mes yeux et, parfois, d'autres orifices également."

Un chef-d'oeuvre, je vous dis.
Nomeansno
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le 10 janv. 2011

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Nomeansno

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