La force de cet essai de Virginie Despentes, c'est de nous le faire vivre. On ne lit pas Vernon Subutex, on le vit, on s'identifie, on pense à notre propre existence, tant le passé que les possibilités futures et on y ressent tout un panel de sensations.
Par le prisme de l'attachant protagoniste, elle y évoque la solitude, la dépression et surtout le fait de tout perdre du jour au lendemain, point de départ du livre. Si on trouve dans l'oeuvre une certaine mélancolie, sans tomber dans la lourdeur nostalgique, notamment par le biais de la musique, que ce soit les groupes ou l'évolution des supports. Celle-ci devient d'ailleurs un élément à part entière, on replonge dans du vrai hard-rock façon Guns, Stooges ou AC/DC, et c'est un vrai bonheur.
Vernon Subutex propose une passionnante et haute en couleur galerie de personnages, on s'attache à eux, ou du moins on s'y intéresse, alors qu'ils sont souvent paumés, cherchant une place dans un monde qui ne leur correspond pas forcément. On y trouve notamment un transsexuel anciennement star du porno, une étudiant en droit voilée ou encore un scénariste fasciste, et elle parvient à faire vivre tout ce petit monde, à ne pas tomber dans la facilité et la caricature, et en extraire une certaine richesse, voire même réflexion, autour de l'humain et de sa nature.
Virginie Despentes use d'un style assez direct, elle nous immerge dans les rues parisiennes avec ses mots, qui sont assez justes, sans tomber dans l'exagération ou trop de retenue. Un Paris qui devient presque un personnage à part entière, elle en fait une ville vivante, vibrant au son du rock'n roll. Elle met en place une ambiance prenante et surtout brute, on rentre assez vite dans le roman et on ressent un certain sentiment d'urgence, ainsi qu'un ensemble d'âmes semblant perdues mais vivant grâce aux mots de l'auteure.
Elle y dresse le portrait d'une génération semblant dorée mais rompue à tous les excès, évoque les rêves de jeunesses et les rares concrétisations, mettant en avant les désillusions de la jeunesse. Malgré un aspect parfois un peu sulfureux, il y a une vraie sensibilité dans la plume de Despentes, c'est souvent cru, mais aussi drôle tout en dénonçant sans lourdeur les faillites de notre société capitaliste et patriarcale.
C'était la première fois que je m'imprégnais de la plume de Virginie Despentes et Vernon Subutex se révèle être une touchante et forte chronique d'une jeunesse dorée face à la désillusion de la vie et de la société, une oeuvre forte que l'on ne lit pas, mais qu'on vit.