Après quelques incursions du côté des romans pour ados, voire jeunesse, Paolo Bacigalupi nous revient avec une œuvre d'anticipation qui, comme de coutume, fait réfléchir sur notre société et son devenir.
Water Knife se déroule dans un futur proche, aux USA. La problématique de l'eau, notamment à l'Ouest du Mississippi, est devenue telle que certains États se livrent de véritables guerres (juridiques, mais pas uniquement) afin de s'assurer l'usufruit des différentes nappes et des différents fleuves du territoire. Certains État, tel le Texas, sont déjà tombés au champ d'honneur, désertifiés et abandonnés par leur population qui fuit vers des contrées qu'elles espèrent plus hospitalières.
Voilà pour le contexte général du récit. Une fois ces fondamentaux posés, le lecteur va suivre trois personnages principaux. Tout d'abord Angel, un sicaire de la compagnie des eaux du Nevada, chargé d'aller enquêter en Arizona. C'est l'un des fameux "Water knife", sorte de porte-flingue appointé par les compagnies pour faire le sale boulot (comprendre : se salir les mains en expropriant les gens, éliminant les concurrents, mettant la main sur des titres de propriétés, etc...)
Second personnage, la jeune Maria, réfugiée climatique texanne qui, dans la ville de Phoenix, tente de s'en sortir et de rejoindre un des États où l'eau est plus abondante (Le Nevada et la Californie surtout).
Et enfin, la journaliste Lucy qui, après s'être installée pour quelque temps (croyait-elle) à Phoenix, s'y est finalement implantée durablement afin de chroniquer sa lente descente aux enfers.
Tout se joue donc dans la ville de Phoenix, qui se retrouve au centre d'une lutte pour les droits d'usage de l'eau du Colorado, le grand fleuve de la région, dont les eaux sont convoitées par les deux superpuissance aquifères que sont la Californie et Le Nevada.
Le récit est un pur thriller, les scènes s'enchaînant sans temps morts, et les trames de nos trois personnages finissent immanquablement par se rejoindre et s'intriquer. Le monde dépeint par Bacigalupi est impitoyable, sordide, et fait froid dans le dos car on sent que l'on en est pas si loin. L'eau est d'ores et déjà un enjeu majeur dans certaines régions du monde, et en transposant cette problématique aux USA, tout en tentant d'anticiper les conséquences que cette pénurie pourrait avoir sur le pays, Bacigalupi tire vraiment la sonnette d'alarme.
Le monde qu'il décrit, à l'image de celui de ces autres romans d'anticipation (La fille automate en tête), est réellement désabusé et cynique, et il vaut mieux être de bonne humeur à sa lecture, sinon bonjour la déprime. La société post-pénurie est très bien pensée et mise en scène, on s'y croirait presque, et c'est précisément cela qui est terrifiant.
Le récit compte peu de personnages positifs, mais on en arrive à bien les aimer quand même, (y compris ce fumier d'Angel), tout cela grâce à une écriture acérée et plaisante.
Un très bon roman, même s'il n'est pas aussi dépaysant qu'avait pu l'être en son temps La fille automate