Un roman d'anticipation construit comme un thriller. Autour de deux personnages, un sicario (tueur à gages mexicain) et une journaliste (tendance je ne lâche rien), que tout oppose a priori, mais que les événements vont rapprocher. Avec une belle histoire d'amour à la clé. Enfin, ce qui les rapproche tout de même un peu au départ, c'est que l'une et l'autre sont de vrais durs à cuire. Soulignons qu'il vaut mieux être dur cuire dans les états du sud-ouest des Etats-Unis (Nevada, Nouveau-Mexique, Arizona, Texas...) en cet an de grâce certes indéterminé mais sans aucun doute situé dans un futur proche; cela au propre comme au figuré, étant donné que, d'une part, le climat est devenu complétement inhospitalier (chaleur torride, sécheresse, fréquente tempêtes de poussière), et, que d'autre part, l'amour du prochain et la compassion se sont évaporées avec les dernières gouttes d'eau, si tant est qu'ils aient été un jour présents. Voilà pour ce qui est de planter le décor.
La Fille automate, le premier roman de Bacigalupi, était également environnemental, mais lent, humide, pétri d'une certaine façon de sagesse bouddhiste ou du moins orientale. Cette fois, non. On est bien aux Etats-Unis : cowboys, fous de dieu, bagnoles, pognons, armes à feu et tout le tralala. Avec les cartels mexicains qui ne sont jamais très loin. Et le tempo est rapide, pour ne pas dire frénétique. Ca va crescendo, il y a de l'action, et je me suis enfilé les 500 pages sans mollir, pour terminer quasi à genou, la langue pendante. Non, c'est une image, mais je conseillerais néanmoins une bonne bière après la lecture de Water Knife.
Jusqu'ici, je n'ai parlé que du polar qu'il y a dans ce livre. Mais c'est également un roman d'anticipation, de ceux qui font froid dans le dos tellement ils sont plausibles. Bien plus que la Fille automate, car situé dans un futur bien plus proche, dans un monde qui ressemble terriblement au notre. Enfin, à ce que serait le notre s'il n'y avait plus de flotte. Jugez plutôt : fermeture des frontières (entre états des Etats-Unis), réfugiés et ONG inopérantes bien sur, presse voyeuriste et assoiffée de tueries et de catastrophes, privatisation des ressources vitales (ici, évidemment, l'eau), armées privées, avocats au service des puissants, biométrie. Et de monstrueuses inégalités entre cadres supérieures des multinationales de l'eau et l'immense multitude qui crève la gueule ouverte au fur et à mesure qu'on lui coupe l'eau. Le tout sur fond de déclin des Etats-Unis et d'expansion chinoise. Crépusculaire !
Ca ne vous rappelle rien ? Un vrai roman politique, en fait. L'action n'est pas datée dans le futur, mais le monde que décrit Bacigalupi est suffisamment proche du notre pour qu'on ne le situe au plus qu'à une poignée de décennies de 2015, l'année où ce bouquin est sorti. A lire parce que c'est bien, mais aussi pour se faire peur. Je n'ose même plus évoquer une quelconque prise de conscience...