Swallow it.
Charles Bukowski sous le pseudonyme d'Henry Chinaski traîne une nouvelle fois sa dégaine grasse dans une Amérique superficielle, bouffée de l'intérieur par ses démons inventés dans un souci...
le 17 juil. 2015
22 j'aime
5
Faisant partie d'une (longue) liste des écrits à lire sur les rapports hommes/femmes, j'ai entrepris la lecture de cet opus de l'illustre Bukowski avec un appétit certain, voulant y trouver quelques éclairs de génie pouvant me donner des pistes.
Malheureusement, comprenant rapidement le caractère auto-fictionnel (quasi autobiographique sauf erreur) de la chose, force est de constater que les trouvailles qu'on peut y faire sont accidentelles, voire parfaitement méta-récit.
En soi, il s'agit du journal de bord d'un cinquantenaire écrivain qui vivote des lectures (rémunérées) de ses poèmes en abordant la vie avec cynisme, beaucoup de breuvages alcoolisés (et de drogues) et une consommation frénétique de femmes. Pas grand chose à en dire si ce n'est que lors de sa parution, il a dû effectivement sembler "subversif" à une Amérique se débattant avec un puritanisme en décomposition de lire un type qui n'en avait strictement rien à foutre de rien à part survivre et profiter.
On sent bien que l'angoisse permanente de Henry (Charles) est de s'ennuyer, de n'avoir pas son cerveau empêché de réfléchir parce que cela l'obligerait à un long et difficile bilan personnel. Il est un écrivain de niche, bedonnant, plutôt laid, tombé dans pas mal d'addictions (pari, boisson, drogues récréatives...) et c'est pour ça qu'il "profite", il saute sur chaque occasion de se distraire, de faire des nouvelles choses, de séduire et de coucher avec de nouvelles femmes, de boire, de se droguer.
En 2025, soit près de 50 ans plus tard, la vie de Henry Chinaski ressemble à celle décrite par beaucoup de rappeurs : baiser, se défoncer, menacer pour obtenir ce que l'on veut, répéter jusqu'à épuisement (de soi, des autres, des moyens...). Ce n'est donc plus tellement intéressant de lire en 380 pages ce que 5 min de trap peuvent raconter en plus drôle.
En déplaçant la focale, une très vaste impression de vide domine : le personnage erre de beuverie en beuverie, de femme en femme, d'expérience en gueule de bois, sans jamais pousser l'introspection jusqu'à une délivrance. Tout se dénoue à la fin, un peu sur un coup de tête, où il apprend à dire "non" pour une femme qu'il apprécie un peu plus que les autres. Écrit à la lisière d'un carrefour de vie de son auteur, ce récit est en fait une livraison de son passé sulfureux et dans le néant existentiel d'un américain urbain éduqué, doté d'un sens critique aigüe mais pas d'une volonté débordante, les contraintes étant pour lui un sous-produit autoritaire et l'autorité, c'est mal.
Les constats portés dans les dernières cinquante pages du livre sont à l'image de l'impression générale : il est une fraude intégrale qui vit en parasite social absolu, adulé pour des raisons contextuelles et prenant pour excuse l'étude des femmes pour en consommer le plus possible. Il en vient à comprendre l'intérêt des contraintes un peu par accident, passé 50 ans. Ça fait tardif, ça vient après un nombre incalculable d'occasions manquées (et un viol à peine décrit comme tel, étrange qu'il n'ait pas fait l'objet d'une campagne de purge) et ça arrive un peu comme un cheveu sur la soupe.
L'auteur a beau faire une pirouette finale qui témoigne encore, même ironiquement, du vide de sens qu'il voit dans la vie ordinaire, on en reste pas moins sur une œuvre globalement très peu enrichissante.
D'un point de vue "relations hommes/femmes", on en déduira un constat un peu crapoteux sur la prétendue "libration" sexuelle post-60s avec des personnages livrés en réalité à leur plus bas instincts et se croyant extrêmement libres tout en en étant les esclaves (la tirade de Chinasky adressée à son propre appareil reproducteur à la fin en atteste). Les femmes sont prêtes en période de dévoiement à subir tous les outrages d'un vieux dégueulasse, pourvu qu'il soit connu et notoirement un hommes à femmes. Les hommes sont médiocres, jaloux et baiseurs invétérés, si une occasion se présente, il saute dessus (parfois littéralement).
Relire cela 50 ans plus tard éclaire avec un jour particulier les décennies de destruction du moule civilisationnel occidental du point de vue du couple. Chinasky revient à la réalité à peu près avec la même latence, la prise de conscience des limites de la prétendue "liberté sexuelle" est donc affaire de génération.
Créée
le 24 janv. 2025
Modifiée
le 24 janv. 2025
Critique lue 2 fois
D'autres avis sur Women
Charles Bukowski sous le pseudonyme d'Henry Chinaski traîne une nouvelle fois sa dégaine grasse dans une Amérique superficielle, bouffée de l'intérieur par ses démons inventés dans un souci...
le 17 juil. 2015
22 j'aime
5
« Combien j’ai connu d’inconnues toutes de rose dévêtues » Sordide énumération ou discret hommage. Expiation ou illusion. La fiction, pour Bukowski, n’est que l’amélioration de la réalité. Cette...
Par
le 15 avr. 2014
19 j'aime
11
Un véritable chef d'oeuvre, paru une année après sa prestation controversée chez Pivot qui aurait bien fait de rester journaliste sportif. "J'avais cinquante ans et n'avait pas couché avec une femme...
Par
le 16 nov. 2017
15 j'aime
12
Du même critique
En fait chez Mintrocket, on aime pas choisir. On est généreux. On partage l'amour du jeu vidéo alors on met TOUT ce qu'on aime dedans. Du rogue-lite ? Oui. Des collectibles ? Oui. Du jeu de gestion ...
le 30 nov. 2023
4 j'aime
1
Achevé hier soir la huitième saison de Brooklyn Nine-Nine et bah couillon ! Je n'ai absolument pas regretté le voyage ! Le pari de faire une série comique dans l'univers policier était osé mais...
le 8 déc. 2022
3 j'aime
Shing!, sémillant beat'em all de 2020 arriva sur ma machine la semaine dernière alors que je me réjouissais de commencer un nouveau titre d'un genre que j'affectionne tout particulièrement. Une...
le 12 oct. 2021
2 j'aime