Une chronique orale de World War Z
[LeChienDeSinope est tranquillement assis sur une vieille chaise de type Voltaire. Il ne pipe mot, paraît maussade, un peu blasé. Je lui demande en quelques mots ses impressions concernant le dernier bouquin de Max Brooks, World War Z. Il n'a pas l'air franchement emballé. Il boit une petite gorgée du verre de cognac qu'il tient à la main, esquisse une grimace, se gratte une couille, et débite son discours]
Vous savez, je suis à fond dans le trip zombie, en ce moment. J'adore ça. Du zombie j'en boufferais à la pelle moi, du soir au matin. Ces saloperies sont à la mode en plus. On les voit partout. Du cinéma jusqu'aux jeux-vidéos. J'saurais pas trop dire pourquoi, j'veux dire, merde, pourquoi maintenant, alors qu'ils paraissaient presque ringards dans les années 90 ? Max Brooks ne fait que surfer sur la vague, mais il le fait bien, comme on l'a vu avec le Guide de Survie.
[Vous l'avez lu ?]
Ca ne saurait tarder. Je l'ai acheté en même temps. Ma critique ne tardera pas. En tout cas c'est un objet quasi-culte chez les Geeks, de par son originalité, et son ton très sérieux. Celui-là, World War Z, est assez différent. Il se propose de relater la guerre qui opposa humains et mort-vivants. L'auteur part donc explorer le monde en quête de témoignages de survivants qui ont joué un rôle plus ou moins important. Du général haut-gradé jusqu'au geek reclus dans sa chambre à se tirer la nouille sur son ordinateur. Des dizaines d'entretiens, tout ça, quoi.
[Original, non ?]
Ouais, clairement, y'a de l'idée. C'est assez réaliste, on se prend au jeu, Max Brooks est bien documenté, cet enfoiré. Les premiers chapitres rappellent un peu les pandémies actuelles qui effraient le monde tous les quatre à cinq ans environ, n'est-ce pas. Et puis ça sombre vite au chaos le plus total. Ça gicle bien, les scènes d'action sont intenses, et puis le truc sympa, c'est que les chapitres sont très courts, bref ça se lit comme du petit lait, mec.
[Vous n'avez pas l'air totalement convaincu, je me trompe ?]
J'ai pas dis ça, hein. Calme, dude ! Laisse-moi causer.
[Pardon.]
Pas de soucis, j'en ai vu d'autres ! Bref, j'disais, c'est assez cool, tous ces personnages, on se lasse pas. J'ai du lire les 200 premières pages en une journée, à peu de choses près. Faut dire, ici, j'ai pas grand chose d'autre à foutre, à part m'épiler le trou de balle ! [Il rit à gorge déployée, puis tousse et manque de s'étouffer] Bref. Mais faut être clair, c'est pas sans défauts ! Déjà, premièrement, le fait que chaque chapitre se concentre sur un personnage et une situation différente va en gêner certains. Ça va très vite, ça bouge tout le temps. Difficile de s'attacher à tous ces types.
[Je comprends. Quid du style ?]
Bah c'est simple, tu lis cette critique, et tu auras un bon exemple du style utilisé. Autrement dit : Brooks écrit comme un cochon. Il est à la grande littérature ce que Magloire est à l'hétérosexualité. Une hérésie. Je déconne, hein. Ce sont censés être des témoignages, aussi ce style abrupt et direct est plutôt adapté. Cela dit, ça manque de variété. Au final, j'ai souvent eu le sentiment d'avoir sans cesse affaire aux même personnages, aux mêmes caractères bien trempés... Tout cela manque de finesse et d'émotion. J'aurais aimé lire des témoignages bouleversants, terrifiants... Ça n'a été que trop rarement le cas. Brooks met plutôt l'accent sur la géopolitique, sur l'universel plutôt que sur le personnel. C'est la guerre et son histoire en tant que tel qui l'intéresse, je pense. C'est une optique, pourquoi pas, j'suis pas l'auteur après tout, hein.
[Bien sûr. Une note, donc ?]
Attends. J'voulais aussi dire qu'il s'éternise un peu, le bonhomme. Le bouquin devient répétitif sur la fin. On s'ennuie, on compte les pages restantes, et ça c'est pas bon signe, mon coco. Surtout que les derniers témoignages sont un peu chiants, et accumulent les poncifs. Je me suis pas vraiment senti implique, sur la fin, dommage.
Bon, j'vais lui foutre 6/10 à ton bouquin, je le conseille cependant à tous, et surtout aux fans de zombies, d'autant plus qu'il est disponible en poche. J'ai bien aimé même si je suis un peu sévère, mais je dois faire baisser mon ratio global, donc voilà, ce livre en fait les frais, tant pis pour lui !
[Il m'invite à me retirer. Alors que je me relève, il me regarde droit dans les yeux, un sourire malicieux sur le visage "Un sphincter a dit quoi"]