Cela faisait très longtemps que je n'avais pas été autant passionné par de la littérature française. Yoga n'est d'ailleurs pas seulement un livre passionnant, il est aussi un livre drôle ; j'ai rit aux éclats, et même lorsque Emmanuel Carrère nous avertit que maintenant on va cesser de rire parce qu'il va parler de choses graves, en fait il réussit quand même à faire surgir l'humour du désespoir.
Ce livre a des défauts, bien sûr, mais le genre de défauts qui se transforment en qualités. Les trente premières pages ont parfois une écriture un peu bancale (cet incipit foireux, un nous qui se métamorphose en on, des concordances de temps qui déraillent) mais qui participe à sa vitalité. Et lorsque la mémoire de Carrère patine (il réécrit le scénario de Broken Flowers de Jarmusch ou prétend que le mot "immémorable" n'existe pas) on se dit que c'est à cause des ECT...
Yoga est composé de plusieurs textes cousus ensemble, procédé très efficace qui là aussi participe grandement à sa vitalité, un peu comme les Beatles ont composé certains de leurs plus célèbres morceaux en cousant des bouts de chansons pas terminées.
La première partie, qui constitue l'ébauche d'un "petit livre subtil et souriant sur le yoga" dont le projet ne sera jamais mené à son terme, est celle qui m'a le plus intéressé.
La deuxième est consacrée aux attentats de Charlie Hebdo et en particulier au décès de Bernard Maris.
La troisième développe la douloureuse dépression qu'a vécu Emmanuel Carrère et qui l'a mené à être interné à l'hôpital Saint-Anne où il a subi un traitement intensif.
La quatrième partie se déroule en Grèce et semble au début avoir moins de rapport avec ce qui a précédé (mais tout finira par faire sens !) et met en scène une femme, Erica, que j'ai imaginé être le sosie d'Anjelica Huston.
S'ajoutent quelques épilogues, dont un chapitre émouvant consacré à Paul Otchakovsky-Laurens.