“Yoga” était destiné à être, selon les mots de l’auteur, un sympathique récit léger et spirituel sur le yoga mais, en réalité, c’est bien plus que cela. Pour commencer, difficile de qualifier cette œuvre de roman car la trame romanesque est peu académique. Vous ne trouverez pas de vraie cohérence narrative avec une mise en place, un déroulement, des événements et un dénouement. Vous arriverez à situer le récit dans le temps et l’espace mais vous vous rendrez rapidement compte qu’il n’y a qu’un seul personnage principal, l’auteur lui-même.
C’est en quelque sorte la signature d’Emmanuel Carrère de se mettre en scène dans ses écrits. “Yoga” est donc davantage une mise en orbite d’expériences de vie autour de l’auteur qu’un roman. Il ne s’agit pas non plus d’une fiction mais d’un assez vaste champ de témoignages. Le vécu d’Emmanuel Carrère mérite-t-il donc qu’on s’y attarde et qu’on en noircisse des pages ? Ma réponse est plutôt oui. Ne serait-ce que pour le bonheur de lire sa prose ; Emmanuel Carrère met du génie dans son style. Bon sang ne saurait mentir, le talent de raconter et d’explorer coule bien dans ses veines.
Mais alors de quoi parle “Yoga” ? De yoga. Mais pas seulement. Mais pas d’abord. “Yoga” présente pour commencer les multiples facettes de la méditation, une discipline qui personnellement a contribué à me sauver la vie même si je la pratique en amatrice et de façon imparfaite, inexpérimentée et approximative. Je me suis complètement retrouvée dans les mots de l’auteur, dans le partage de son approche de la méditation, domaine tellement riche d’enseignements sur soi et son environnement.
Diagnostiqué bipolaire et dépressif, névrosé, Emmanuel Carrère sera hospitalisé à Sainte-Anne en psychiatrie où il suivra différents traitements. Il revient avec vérité et non par complaisance sur ses heures noires. L’idée initiale de ce roman, “Yoga”, va évoluer au gré des circonstances, il sera remodelé par de graves événements tels que l’attaque de Charlie-Hebdo en 2015 ou la crise migratoire alors qu’Emmanuel Carrère sera amené à s’occuper de quelques jeunes demandeurs d’asile en transit.
La plume d’Emmanuel Carrère, que j’avais déjà hautement appréciée dans “Le Royaume”, a fait mouche en moi. Elle est juste, elle sonne vraie, elle détient ce petit côté voyeur et cette bonne dose de narcissisme qui croupissent au fond de chacun ; elle est très humaine.
Si “Yoga” n’est pas un coup de cœur, cette lecture n’en demeure pas moins marquante et m’incite à remettre rapidement la main sur une autre œuvre de l’auteur.