Essayons si tu as quelques minutes de comprendre l'Ademo dans le texte.
Déjà, Bené, c’est un pote à lui qui s’appelle Benoît, du coup, il préfère Bené.
On le comprend.
Quand le poète chevalin dit « J’roule j’me fais racol’au feu par Sheitana, j ‘vois des frères rentrer pour des peines à la Fofana... », il convoque à l’évidence la double soumission du mâle urbain dans sa caisse qui, en plus de s’arrêter au feu quand il est rouge, comme un mouton, voit ses instincts les plus bas titillés par une femme de basse vertu qui profiterait de la situation statique, passant par là, pour lui proposer la botte à coup d’œillades prononcées et de déhanchés explicites.
Est-ce la couleur de peau de la donzelle ou le charbon de ses yeux qui lui font penser à un pote à lui qui s’appelle Fofana, engeôlé pour s’être adonné au commerce illicite de barrettes de chocolat ?
Ou, peut-être, une licence dont les poètes ont le secret…
En préambule, il nous avait pourtant prévenus : «Dréèiiiiing dréèiiiing dréèiiiing dréèiiiiing dréèiiiing dréèiiiiing, j’suis dingue-dingue dans ma tête... », onomatopées successives symbolisant le mec qui se sonne et se lance, lucide, la fâcheuse condition qui est la sienne.
On ne peut pas l’accuser de nous avoir pris en traître.
Alors qu’il poursuit par un flamboyant « Bebeto, Romário, igo j'ai la tech', Zamorano, Di Bagio à Batistuta, les attaquants au ballon car t’es parti poucave... », on comprend soudain que nous sommes entrés de plain-pied dans la métaphore footballistique d’obédience sud-américaine. Au détour, il nous apostrophe par un tendre « amigo » qui, bien que raboté, veut dire "ami" en javanais, signifiant qu’il s’inscrit dans une filiation qu’il voudrait évidente avec les footballeurs précités et nous prend, pour ainsi dire, pour témoins, non sans oublier le relent de violence final - cristallisé par le mot « poucave » qui veut dire "délateur" en javanais, et qu’il balance à la Cantona - violence toujours bienvenue ici, car elle rhabille la jovialité colorée du jeu de ballon de quelques touches du gris de la réalité de nos bas-fonds.
C’est pas dégueulasse.
Métaphore qu’en aucun cas il n’épuise pourtant, rassure-toi, car le voilà qu’il la file plus loin tout en délicatesse dans ce qui peut s’apparenter à un refrain qui par sa pertinence ne demande aucune explication tant c’est comme un shoot, mais avec des mots : « Chica chico, hola hello girl, tu toucheras pas la balle, on te fait la brésilienne. Comment ça se passe dans la villa ? Bené Bené Belek tu sors une arme sans l'âme de yemma-yemma Bené Bené, Bené, Bené Bené... ».
Est-ce nous qu’il tance avec cette menace à peine voilée d’une virée dans le bois de Boulogne ? Ou un ennemi imaginaire ?
Et lorsqu’il semble soudain lâcher prise avec la syntaxe, que les mots n’en sont plus, est-ce une main qu’il tend, une tentative malhabile pour appeler au secours ?
Je te laisse avec ça, cogite, frérot.
Merci à toi Ademo et à bientôt pour une nouvelle déclaration d'amour à la poésie.
La bise.