Abîmé, te dis-je, l'haleine cannabique saveur vodka/fraise/binouse et l'oeil qui papillonne, je retrouvais cahin caha mes pénates en ricochant sur les murs des maisons arc-en-ciel de Marigot en songeant malgré moi à toutes ces personnes lambda qui dansent la lambada.
Fallait-il qu'ils m'assaillent, j'bois ma tisane à la paille.
Je te demande.
Le fallait-il ?
Bah ouais, c'est à toi que je parle.
Mon daron, pour le citer en exemple et crois-moi sur parole, rien que ce début de phrase est drôle, mon daron donc, ce loufiat de la danse, ce flibustier du paso doble, quand il s'y mettait, c'était davantage de la gêne.
C'était comme mourir un peu.
Déjà fallait qu'il y ait du monde.
Obligé.
T'es une putain de star de la lose ou tu l'es pas.
Fallait aussi le petit costard croisé cintré bien bien sur chemise immaculée, la peucou propre, le regard fier et la cambrure d'indécence. Faut quand même que ta descendance en prenne plein les mirettes. Et le badaud complice, fallait nourrir son regard incrédule d'infamie, lui donner à becter.
Feed ze Monster.
Fallait voir l'obligeance du paternel, ses passes de poulet pas décisives, frérot, pas une miette.
Tu vois l'ailier qui sait courir, dribbler, qui est même plutôt bien coiffé, mais qui, quand il faut centrer, vise la lune ?
Il faisait notamment un pas que j'appréhendais tellement. Mais tellement.
C'était un machin chelou avec sa jambe.
Je me disais non.
Steuplé.
Pas ça.
Oublie.
Dieu.
Dis-lui non.
Casse-lui sa putain de hanche.
Pose ton doigt vengeur sur l'ignominie, viens-moi en aide, Seigneur tout puissant.
J'ai rien fait.
Tu le sais bien que j'ai rien fait en plus !
Enfin, rien pour mériter ça.
Pourquoi je dois subir à chaque fois ce mec qui essaie de passer sa jambe derrière sa tête par l'arrière.
Pourquoi ?
Alors que chez moi, la danse, t'as vu.
C'est genre comme si je respirais.
Je marche pas, c'est bien simple, je danse.
Je sais pas d'où ça me vient du coup.
J'ai un petit pas de deux, genre twist qui tabasse sa race et, j'avoue, cette nuit-là, lesté de mes rêves inaccessibles encore, le son dans le casque, j'avais le regard un tantinet mélancolique mais le roulement de hanches qui éclaboussait d'arrogance.
Je regagnais mes pénates, donc.
Et je tombe sur une dinguerie. Wesh.
Alors que moi j'étais en mode "y a rien à voir et ma rétine se tourne les pouces".
Un mirage...
Tu vois ?
Tu cernes ?
Bah elle était là.
Une reine au milieu de la street.
La Caribbean Queen.
Bon, si on peut parler de street pour une île de bouffeurs d'acras.
Je sais pas son visage mais je sais la liane.
Une liane où s'accrocher.
Tu vois une reine ?
Et tu vois un charclo ?
Bah tu vois.
.
Alors je t'arrête tout de suite, sinon tu vas tomber, et je suis pas le mec à faire des croque-en-jambes. Le style qui tire ses cartouches, la voix mielleuse, "alors heureuse ?", j'ai envie d'écrire : malaise.
Je fais pas dans la pornographie.
Si tu cherches de la promiscuité moite, du fluide corporel prohibé qu'on s'échange à qui mieux-mieux, c'est pas ici.
Ici, c'est la classe.
Éternelle.
Je suis pas guyness.
Sinon, elle dansait bien et moi, moi, bah moi tu sais déjà.
Ah, si.
Elle voulait savoir mon prénom, j'ai répondu "Billy, comme l'océan, et toi ?"