Tu vois, Xavier, mes amis parlaient de toi, aujourd'hui, parce que t'as écrit une longue lettre pour défendre ton clip ; les clips, j'aime pas trop en général, pour être honnête, je n'en regarde juste pas, pas le temps, pas d'intérêt, ou presque. Des fois, on m'dit regarde absolument celui là, c'est Xavier Dolan, tu sais ? Ouais, ouais, j'sais, on en a parlé l'autre jour. Va savoir, j'traine avec trop d'émos, ou d'homos, des gens qui vont voir des films actuels, ils t'aimaient bien, tous ; genre c'est beau, tu vois, esthétique, et tac, ovation à Cannes : argument intouchable ; on oublie si vite tout ce qu'on a envie. Passons, t'as envie d'faire un clip, pourquoi pas, pour Indochine, pourquoi pas, j'aimerai pas juger avant d'avoir vu, j'fais ça trop bien.
Aïe, la chanson, c'est pas ça, tu sais. Peut-être que t'aimes, ou que vous êtes un pote avec Nicolas, autour d'une bouteille de rouge, je vous vois bien - enfin, j'connais même pas vos visages mais l'coeur y est - : "Oh oui, ça c'est trop cool, une scène d'école comme dans The Wall, puis les parents méchants après, "What have we here, laddie ? Mysterious scribblings ? A secret code ? No ! Poems, no less ! Poems, everybody !", oh oui, c'est original ! avec le vernis à ongle, sur la nappe et les vieilles mains : c'est un peu Ruban blanc en plus, ces couleurs, regarde la tristesse d'notre petit héros ! Trop bien ! Un gros plan sur un cadenas, ça tue ? Grave ! Les visages aux yeux bandés, c'est pas mal, et quand tu chantes, avec la contestation là, c'est un peu chant des partisans, j'kiffe bien !" Bon, c'est nul, mes sympas ; ça va bien avec la musique en plus, avec le kitsch d'Indochine, j'comprends les mecs, mais soudain, vous avez basculé.
J'aimais bien Mel Gibson quand j'étais petit, tu vois ; parce qu'il réalisait avec du coeur, comme toi, pas forcément bien, y avait des effets à jeter de partout mais on s'en foutait, parce qu'on était petit - j'dis "on" parce que j'sais que tu kiffes toi aussi ! - les gros plans, les ralentis, tout ça, au hasard, c'était marrant. Et un jour, Mel, il est devenu un peu fou, rien de grave, un pétage de plomb, il a voulu mettre une crucifixion dans son film ! Silence terrible sur la salle, la gueule des amis, "Sérieux, Mel, tu peux pas faire ça !", bah si, et s'il peut, j'comprends que t'aies eu envie Xav'.. C'est marrant comme t'as repris ses plans, du clou au visage qui tombe ; Saint Matthieu et Pier Paolo doivent tirer la gueule, un peu ; regretter d'avoir pris des gants.
Jusque là, je te pardonnais presque, j'aurais pas fait une critique comme toi t'écris des lettres, je suis pas un mec dur ; enfin, j'y travaille ; un jour, j'ai été méchant avec un film, je l'ai regretté, il était jeune comme toi et moi, et c'était pas bon, et j'aurais du être plus cool.. Enfin, tu t'en fous, c'est la vie. J'suis juste un peu triste, j'aurais bien aimé t'aimer bien - wow - on m'avait dit tellement de bien de toi, mais sérieux... Des mitraillettes ? T'avais besoin de mettre des mitraillettes ? Je veux dire, en plus du reste ? Ca m'fait un peu flipper. Je ne suis pas sûr d'vouloir te connaitre beaucoup plus.
"Comme disait Oscar Wilde", - non j'arrête, je me moque - j'espère que ton art reflète pas trop ta vie.