Pourquoi écrire sur ce morceau? Parce qu'il y a un biopic du King où des Italiens lauréats de l'Eurovision le reprennent dans la BO? Affirmatif. Parce que ce n'est pas le plus connu du King dans l'hexagone? Car en effet il n'a pas eu la chance de subir une mauvaise adaptation de Johnny, Eddy, Dick...
Tout d'abord, le morceau est le morceau phare du mythique come back de 1968, programme de la NBC 1) qui remit en selle un Elvis ringardisé par le service militaire, les films bâtis pour surfer sur sa gloire, la British Invasion des Beatles et des Stones et le phénomène Dylan. 2) dont l'iconographie a été abondamment pillée : lettrage du prénom ELVIS repris par Morrissey sur scène, lettrage mentionné et look total cuir du King arboré par Sharleen Spiteri du groupe Texas dans le vidéoclip d'Inner Smile, danseuses en ombre sur un éclairage coloré repiqué par une tonne de clips de morceaux Dance...
Mais If I can dream est avant tout un morceau américain, si américain et pas seulement de par sa tonalité Gospel. Les Américains appellent au cinoche une fin tragique une fin française, comme s'il était scandaleux de rappeler que le happy end n'est pas toujours au bout de l'existence (1). Ecrit dans la foulée de l'assassinat de Martin Luther King, chanté par le King avec une implication incarnant à elle-seule les mots Soul et Engagement, If I can dream incarne la croyance très américaine que même au fond du trou la possibilité du soleil existe, cette croyance qui a fait de La Vie est Belle un film ultrarediffusé sur le petit écran américain. Pour Elvis non seulement l'Amérique peut se relever d'une grande tragédie mais elle pourra dépasser les fractures raciales de la ségrégation et construire un avenir meilleur. En refusant d'abandonner l'envie de rêver, elle trouvera le chemin de la rédemption.
On peut regarder ça avec un oeil cynique et blasé, surtout à la lumière du présent du pays de la bannière étoilée. Mais à l'écoute des intonations du King il est impossible de ne pas y croire, un peu comme le coeur le plus blasé ne peut refuser de voir La Vie en Rose avec Edith Piaf. Et lorsque le King achève son morceau par un Faites que le Rêve se réalise, ces derniers mots prennent une dimension christique. Mais après tout le Christ du Rock c'était lui.
(1) A ce propos d'ailleurs: Plaisir d'amour ne dure pas longtemps mais peine de coeur dure éternellement deviendra Can't Help Falling in Love with You... par Elvis.;)