Djee vs le système épisode 1

http://youtu.be/ZFve3-i0wEQ

La dernière fois que je me suis senti mal, si mal, faut que je te raconte.

C'était bientôt Noël. La 5ème semaine, les cadeaux, le manger et le boire. Tout ce que j'aime.

On boit un coup avec les collègues pour fêter le fait qu'on ne va plus voir nos sales gueules avant l'année prochaine, je me tire avant qu'on se mette à manger, histoire de garder un peu de ces vapeurs alcoolisées dans ma caboche qui rendent la route plus courte et plus palpitante.

GPS qui poukave où sont les flics pour éviter les coyotes collés sur mon pare-brise et je me rentre.

Tel que je me connais, j'ai dû chantonner.

Avant de déchanter.

Tac tac, je descends guilleret la petite pente qui mène à chez moi, je m'arrête prendre le courrier. Il est midi et demi, cette feignasse de cycliste a normalement eu tout le temps de distribuer le courrier. Bingo ! Une lettre du commissariat.

Une lettre du commissariat ? J'ai dessaoulé direct. De l'ordre de l'immédiateté. Instantanément pour ainsi dire.

Mais quoi ? J'ai fait quoi ? Je l'ouvre en montant mes escaliers. Nanani nananère, vous êtes convoqué, tout ça, le lundi 6 janvier, tout ça, si vous viendez pas ça va chauffer au Tribunal de Créteil, tout ça.

Wahou me dis-je. J'ai fait quoi, déjà ? Mais rien ! C'est sûr.
Enfin quand je dis rien... je veux dire : on ne m'a pas grillé, ça j'en suis sûr. Et pourtant, il y a le tampon, brigade de je ne sais plus quoi -j'ai depuis brûlé ce truc, de joie-, mon blase, mon adresse -oui, vu qu'elle est dans ta main ducon- et j'ai rien -on se comprend- fait ! Merde alors. J'appelle.

Je tombe sur un mec qui me dit "Les gens mangent vous savez, faudra rappeler à 14 heures".

Il est midi et demi... sa race...la plus longue heure et demi de ma vie. Ça devait être la naissance de ma fille la plus longue heure et demi de ma vie. Bah plus maintenant, ma fille déjà, c'était plus rapide. Même pas eu le temps de finir mon kebab qu'elle se pointait, la môme. C'est une flèche comme son père. En attendant, elle est deuxième sur l'échelle de l'heure et demi à attendre en se rongeant les ongles. Ou en mangeant un kebab.

Ni une, ni deux, je me dis :
Stanislas -ouais, c'est comme ça que je m'appelle quand je me parle dans ma tête. J'aime bien, ça fait aristocrate tout ça- quitte à poireauter autant être sur place. Me voilà poireautant devant le maison poulaga. Même pas le cœur à éclater mon 'ti bédo de secours, tu imagines ? L'angoisse. Totale !

14 heures, le mec vient tourner sa clé pour se libérer. C'est dingue, les mecs s'enferment pour manger. Bref. Avant moi y a un mec qui vient porter plainte pour sa fille qu'est au lycée. La pauvre, elle est à poil sur Google, tout ça. Le flic lui fait « Oui Monsieur, c'est pas normal mais c'est elle qui doit venir déposer plainte, vous comprenez ? ».

J'me sentais mal pour le type.
Mais hop c'est mon tour. T''as compris, papy, ta fille à oilp, tout ça, on s'en fout ! Coup de coude de chass'dé et j'y vais de mon : "j'vous ai appelé tout à l'heure, tous mes respects, j'ai reçu une lettre de chez vous, vous me recherchez mais je me présente de mon plein gré. On peut s'arranger ou merde ? »

Le mec, vachement sympa. Pour un flic je veux dire. Il paraît que c'est aussi des êtres humains. J'ai du mal à le croire mais paraît que c'est un Hollandais le président de la France. T'as vu, tout est possible.
Il me dit « Oui Monsieur, vous devez vous présenter lundi 6 janvier 2014 à 9 heures ou appeler et demander le poste 93 je sais plus quoi. »
Je lui dis « Mais vous pouvez pas me dire ce qu'ils me veulent, les mecs là, parce que moi ça va pas aller, d'attendre pendant une semaine dans l'angoisse de savoir si je vais finir au ch'tar »
Il me dit « Oui je comprends Monsieur, mais vous pouvez appeler, on vous en dira plus »

Voilà, jeté comme un mec qui a sa fille à poil sur le net.

Je sors et j'appelle direct. Et je vois que c'est lui qui répond... bref il me passe le 93 je sais plus quoi et je tombe sur un mec.

"Bonjour, j'ai reçu une lettre nanani nananère...et le mec il m'a dit de le rappeler pour que je vous parle".

"Vous êtes monsieur ?"

"Van Cleef".

"Veuillez patienter je cherche votre dossier."

"Mon dossier ? Comment ça mon dossier ? C'est quoi ce délire ?"

"Non mais attendez Monsieur je n'ai pas tout en tête c'est tout..."

Non mais je suis innocent moi ! J'ai rien fait ! Ou alors si j'ai fait je jure devant le Tout-Puissant que je ne vais pas tomber tout seul, tu m'entends ? Ça va s'écrouler comme un château de cartes tu m'entends ? Ça va chier !

"...une minute s'il vous plaît..."

C'est ça ouais, t'inquiète, je ne raccroche pas, tu as intérêt à la cracher ta pastille !

"Allô ? Monsieur Van Cleef ?"

"Oui oui oui ! J'suis là ! Quoi ? Alors ? Je ne télécharge plus que légalement déjà, je l'ai dit ça tout à l'heure ?"

"Euh... non, vous ne l'aviez pas dit mais on ne s'occupe pas de ça, nous. Vous n'auriez pas perdu un chéquier ?"

"Quoi ? Euh... oui mais ça fait un moment, j'ai fait opposition tout ça".

"Oui et bien on a utilisé ce chéquier, Monsieur, c'est l'objet de votre convocation. Voilà, rien de grave à priori."

"Aaaaahhhhhhh ! Ok ! C'est ça ! C'est dingue ce qu'on peut s'imaginer quand on reçoit des lettres de merde en fait !"

"Vous savez Monsieur Van Cleef, quand on n'a rien à se reprocher, on ne doit pas s'inquiéter."

"Ouais... vous avez déjà reçu une lettre comme ça vous ?"

"Non".

"Voilà alors..."

Et j'ai allumé mon bédo de secours.


C'était la dernière fois que je me suis senti mal.