Et si nous continuions le voyage au pays du Peace N’ Lovés ?
Au début, écoute, il y a comme un dauphin qui chuinte de tristesse.
C’est d’emblée tellement mélancolique.
Moribond, il en pleurerait si seulement dans la mer on pouvait laisser perler des larmes.
« Je ne sache pas que ça fasse des bulles quand, sous l’eau, tu laisses s’échapper ton dernier soupir » pense-t-il.
Et c’est là, à cet instant qu’il croit entendre un ange.
Ce n’est pas un ange, petit cétacé agonisant, c’est l’excellent poète Ademo qui veut te parler avant que tu ne t’en ailles.
Ça sera un dialogue alors ! Avec au moins un mammifère intelligent.
L’inspiré ménestrel-cheval pose d’abord le décor : « Je suis à 91 mille lieues sous la merde, j'ai mille eu' sous la semelle, j'ai mêmes soucis en fin de semaine, j'ai paire de couilles en cas de problème... » et là, on croit comprendre que le barde aux 37 dents lui-même se considère au pied du mur, avec à peine de quoi subsister, que c’est tout le temps la même rengaine mais qu’il est équipé pour ne pas se laisser abattre.
Le dauphin n’en a rien à foutre, il fait la sourde oreille et continue à geindre, dans sa langue, un « c’est assez ! » adressé au poète trouble-fête.
Ademo poursuit, choisissant visiblement la colère « Le monde, je le vois de travers, je le monte, j’le monte en l'air, en l'air jusqu'à ce que ce putain de bonheur se montre, y'a pas de cinéma, j'ai pas le temps, pas de temps à donner ou à perdre, Baba m'a dit faut du douze, faut scier l'canon pour la guerre... ».
Attardons-nous quelques instants sur le passage où l’auteur incrimine explicitement Cyril Hanouna en l’affublant de ce désormais mythique « Baba » et nous laisse songeurs. Le mec, en plus d’avoir inventé la machine qui transforme la merde en or, s’y connaît aussi en armes et inciterait à partir à la guerre...
Le dauphin lui répond dans sa langue de dauphin qu’il n'en a "toujours rien à foutre" et n’a, je cite, « jamais vu un tunisien » de son existence. Il voudrait bien calancher en paix si c’est possible.
Et le poète tenace de marcher : « Et la guerre, et la guerre on l'a fait, on la refera, pourquoi donc épiloguer, pas de paix, pas de paix, pas de paix dans le contrat, la haine pour copiloter, il s'agit de n'plus jouer au con, dans l'regard paraît qu'on y voit une arme, chez moi on dit que au fond du trou, jette un homme il ressort avec une arme... ».
Ici, le troubadour corsico-bougnoule laisse tomber le masque, il se présente devant nous et l’odontocète réfractaire dans le plus simple appareil et semble invoquer Arès, le dieu de la guerre.
Est-ce encore une menace ou un rempart qu’il monte à la va-vite pour empêcher cet amour zoophile impossible naissant de trouver le chemin de son coeur de rappeur sensible ?
Le dauphin l'avertit qu’il ne l’écoute plus depuis son « ...sous la merde », vu qu’il supporte pas la vulgarité.
Et Ademo de s’enflammer : «Pardonnez-moi, poussez-vous, là-bas, vite fait, deux secondes, parc'que sinon c'est ma bite dans votre cul qui vous flaire, qui vous sert de sonde... ».
Interloqué, le dauphin de s'offusquer : « Non mais dis donc, ordure, je ne mange pas de ce pain-là, je suis bi avec mes congénères pas avec les mulâtres ! »
Ademo de le finir d’une pichenette dans son œil qui peut même pas pleurer et d’un : « Alors FERME TA GUEULE ! »
Meskine le dauphin !
Un grand moment de poésie chevaline.
Merci à toi, Ademo.
La bise.