La meilleure chanson du répertoire de France Gall

J'ai l'habitude de juger une chanson française à sa répercussion sur le public anglo-saxon. Plus elle est proche de 0 plus la chanson est de qualité médiocre (il est bon ton de critiquer les anglo-saxon pour tout et rien, mais en terme de culture musicale et d'oreille, ils nous sont bien supérieurs). Autant vous le dire clairement, à part Melody Nelson de Gainsbourg, aucune chanson française n'a eu autant de répercussion parmi ce public, pourtant pas du tout cible de Phillips, le label de France Gall, qui voulait surtout qu'elle cartonne en Europe de l'Ouest.

Les raisons en sont multiples, et si certains (beaucoup) de hits de France Gall des années 60 me sortent par les trous de nez, celle-ci est sûrement la meilleure toute période confondue.
Celle qui n'avait pas encore 17 ans en interprétant les paroles de Gainsbourg nous livre une prestation à contre-courant de ce qu'on attend d'habitude d'une jeune chanteuse de son âge ("Ne sois pas si bête" était la quintessence de cette vision d'adulte des adolescents obsédés par le sexe opposé et seulement intéresser par les loisirs). France Gall fait résonner sans pathos aucun une morale de grand-mère (les séducteurs finissent toujours seuls sans trouver l'amour), ayant été elle même victime comme les paroles de la chanson le démontre "oui j'ai pleuré mais ce jour-là, non je ne pleurerais pas, non je ne pleurerais pas. Je dirais c'est bien fait pour toi, je dirais ça t'apprendra, je dirais ça t'apprendras".

Non seulement dans son ton de voix France Gall paraît très adulte (comparé aux hits de ses autres paroliers qui prenait un malin plaisir à ce qu'elle monte dans les aigus pour rajeunir sa voix déjà jeune), mais également dans ses manières. C'est aussi pour moi le meilleur clip de France Gall, par ce paradoxe d'une femme âgée dans un corps d'adolescente (en témoigne le début du clip où elle observe en montant les marches le garçon et le groupe de filles qu'il a séduit et aussi la scène où elle écrit les principes de sa morale au tableau). Là où dans les autres clips elle affiche toujours un sourire (très charmant par ailleurs mais je m'éloigne) qui sonne parfois faux, ses mimiques sont là plus pertinentes et on sent, je n'ai pas de propos à vous fournir pour argumenter, qu'elle a pris plus de plaisir à tourner ce clip que beaucoup d'autres de sa carrière notamment les années 60.

Alors pourquoi une musique qui incarne au mieux l'esprit français des années 60 et son mythe a pu ainsi être compris et apprécié chez le peuple anglo-saxon ?
Selon moi, la beauté de France Gall, la mise en scène du clip très bien mené et un côté très poétique (la fin du clip et le début du clip formant une boucle, avec Gall qui remonte les marches comme une vieille sage, observant ce groupe d'adolescent). Juste un mot sur la performance vocale de France, c'est pour moi une de ses meilleures, beaucoup de personnes pouvant trouver le ton de sa voix trop lancinant mais j'y vois plus une volonté artistique, et ce ton est pour moi le meilleur de sa palette vocale.

Le seule bémol que je mettrai, et qui m'empêche de mettre 10 serait les paroles. Je trouve qu'avec ce qu'a réussi à faire Gainsbourg et le metteur en scène du clip sur le côté paradoxal de l'interprète et de la morale qu'elle défend, creuser un peu le sujet et introduire du double-sens dont l'homme à la tête de choux raffole n'aurait pas été de trop. Et je regrette un peu le côté femme-objet obsédant dont les producteurs ont usé et abusé et qui fait que même dans ce clip là, où les autres protagonistes du clip auraient pu avoir plus d'importance, c'est le visage de France Gall qui est filmé presque amoureusement (oui j'ose le dire, oui je tape sur des gens qui sont morts depuis 20 ans maintenant, quel courage) toute la longueur du clip (particulièrement l'avant dernier plan, un peu inutile).

Cependant, malgré cela, c'est la chanson de France Gall qui a sûrement la moins vieillie de cette période (avec poupée de cire, poupée de son) et celle qui après "Ne sois pas si bête" va la propulser en tant que star française et principale porte étendard des yéyés. Ramenant pognon et gloire à Gainsbourg et autres paroliers pourtant jugés ringards des années avant, elle va enchainer sur un rythme de 4 CD par an. J'ai dis femme-objet ?