1883
7.9
1883

Série Paramount+ (2021)

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Ma critique

Quoi de mieux que de vivre au milieu de terres accueillantes et cultivables, de prairies bucoliques et de la douce présence de la mer ? C’est bien le but d’Elsa Dutton et de sa famille, pour qui ce voyage en Oregon depuis le Texas est synonyme de nouveau départ. Mais ils le savent bien : la vie n’est pas de tout repos sur les chemins du Nouveau Monde. Serpents, bandits, Indiens, orages, rivières à traverser… Tant de dangers guettent les voyageurs en quête de vie meilleure. Alors, pour mettre toutes les chances de leur côté, les Dutton profitent du départ d’un convoi de colons étrangers, mené par Shea Brennan, un ancien de la guerre de Sécession, pour faire route commune. En effet, ce dernier, rendu inconsolable suite à la mort de sa femme et de sa fille emportées par la variole, s’est donné comme mission d’assurer la sécurité de ces immigrés idéalistes trop peu préparés aux épreuves que leur réservent ces terres hostiles. Par conséquent, cette collaboration de fortune semble être une aubaine pour Shea et son équipe, car James, le père d’Elsa, a également servi dans l’armée et manie le colt à merveille. Pourtant quand il s’agit de faire sa connaissance, Elsa reprend petit-à-petit ses esprits. Mais peut-être n’aurait-elle pas dû se relever ? Car se faisant, elle assiste à la mort de plusieurs de ses compagnons. Elle-même, criant sa révolte et faisant feu sur des Indiens prêts à la vendre, se retrouve désormais avec une flèche dans le ventre…


Mais que s’est-il passé pour qu’Elsa et les siens se retrouvent dans cette situation ? L’immensité de ces plaines désertiques deviendrait-elle leur tombeau ? Voilà les principaux enjeux de ce western qui nous narre le quotidien de cette expédition rendue périlleuse par l’accueil hostile que la terre offre à ceux qui osent fouler son sol. Pour atteindre le Paradis tant convoité, tout indique qu’il faille d’abord traverser l’Enfer. Ainsi, pendant plusieurs épisodes, les drames vont se multiplier… sans qu’ils parviennent à nous émouvoir. En effet, soit la mort survient avant qu’on aie eu le temps de faire réellement connaissance avec ses victimes, soit elle frappe cette cohorte sans visage qui constitue le gros du convoi. Agissant souvent comme une mauvaise élève, celle-ci n’est juste bonne qu’à être houspillée devant l’inconséquence de ses actes ou son manque d’autonomie. De fait, la disparition de certains de ses membres nous apparaît surtout comme la sombre destiné de fourmis subissant l’effet malencontreux d’une semelle de chaussure malveillante. Et ce, malgré les notes de piano dramatiques jouées par Elsa, nous incitant à ressentir la cruauté de vies envolées avant même d’avoir pu toucher du doigt l’idéal pour lequel ils ont sacrifié leur vie.


Malheureusement, cet écueil ne constitue pas l’unique point gênant entrevu lors des premiers épisodes, à commencer par la mauvaise gestion des langues utilisées pour communiquer. En effet, au sein de la communauté germanique, seul Josef est censé pouvoir s’exprimer en anglais. Mais lorsque la narration l’exige, beaucoup parviennent à maîtriser la langue de Shakespeare. De même, une des volontés premières de cette série est de nous faire éprouver la dureté des conditions de vie imposées par ce voyage. Les peaux devraient donc être tannées par le soleil, les visages marqués par les souffrances endurées. A cet effet, ceux-ci sont recouverts de fond de teint et dotés de dentitions d’une blancheur que ne renieraient pas certains spots publicitaires. Les femmes sont belles et semblent plus correspondre, par leur diversité, à un cahier des charges imposé par la production qu’à une réelle exigence de crédibilité. Visuellement, ces éléments sont assez dérangeants. D’un point de vue formel maintenant, si la narration fait la part belle à la contemplation des magnifiques paysages portés à l’écran, elle oublie tout de même d’imposer un tempo susceptible de nous tenir en haleine. Ainsi, il faut attendre les fins d’épisodes, souvent longs d’une heure, pour que des événements un peu haletants surviennent. Le reste du temps, ça prend son temps, ça parle et ce n’est pas toujours palpitant.


A vrai dire, sur fond de western un peu rugueux, on éprouve souvent le sentiment d’être plongé au cœur d’une bluette sentimentale, renforcé en cela par la voix d’Elsa qui introduit et conclut chaque d’épisode. Car à travers cet âpre périple, elle appréhendera l’amour et le deuil mais constatera surtout que ses désirs profonds ne correspondent en rien aux attentes sociétales que son époque impose à son sexe. Sa soif de liberté est si ardente qu’elle en devient une ode à l’émancipation des femmes. De toutes les femmes. Et à ce titre, le propos de « 1883 » s’inscrit complètement dans l’air du temps. Opportunisme un brin racoleur ou discours de bon aloi ? A chacun son opinion. Quant aux hommes, ils sont majoritairement attentionnés et aimants, image également attendue de l’homme moderne mais qui ne correspond pas forcément à celle véhiculée par les anciens classiques du genre. En revanche, leur rôle de protecteur et de garant de la sécurité reste central et s’apparente même pour un d’entre eux à une des principales raisons de vivre. Sur ce point, la série est moins progressiste que la très bonne « Godless » qui voit en la femme un atout non négligeable pour sa propre défense.


Mais alors finalement, qu’est-ce qui fait de « 1883 » une bonne série ? Tout d’abord, comme évoqué précédemment, il y a la beauté des terres traversées qui font honneur à celles rencontrées dans le film « Danse avec les loups » dont elle est clairement inspirée. Elle va même jusqu’à rendre hommage à sa grande sœur en reprenant intentionnellement une de ses scènes cultes et en lui empruntant l’acteur d’origine indienne, Graham Greene, qui interprétait « Oiseau Bondissant ». Et ceci n’est pas anodin tant « 1883 » , comme le film de Kevin Costner, ne cache pas son admiration pour le peuple indien en en faisant une peinture sensible et sans doute assez réaliste. Alors, malgré son air de déjà-vu, cette fraternité bienfaitrice continue de nous réchauffer le cœur.


Mais surtout, et malgré les nombreux défauts évoqués, il ne faut pas se décourager et tenir le visionnage jusqu’à son terme. Car au fur et à mesure que la taille du convoi rétrécit, la narration se concentre de plus en plus sur les personnages principaux sans que plus rien ne vienne parasiter leur destinée. Et dire que celle-ci est absolument bouleversante relève de l’euphémisme. En effet, durant deux épisodes pleins, on est constamment émus devant le spectacle offert par cette tragédie humaine dont le traitement, tout en retenue, accentue la puissance émotionnelle. Oubliés les maquillages superflus... Désormais, même les anciennes lenteurs et discussions absconses semblent n’avoir été mises en scène que dans le but secret d’en arriver là où le voyage nous a conduit. Aurait-on été si touché si la série n’avait pas emprunté les chemins parfois laborieux de l’anecdotique ou de la romance un peu mièvre ? Même le très joli thème musical, qui jusque là nous avait simplement bercé avec tendresse, nous explose soudainement au visage. Alors non, parfois, contrairement à ce qui est dit, ce n’est pas le chemin qui compte, mais bien la destination !


Disponible sur Paramount +

https://seriephiledudimanche.jimdofree.com/2022/05/14/1883/



La critique de Mathilde et Clara Salitot


"1883" est une série crée par Taylor Sheridan, le premier spin-off de la série Yellowstone. A noter qu’il sera suivi d’un 1932 (en production) et qu’il n’est pas nécessaire d’avoir vu la série-mère pour l’apprécier.

L’histoire débute au Texas où l’on suit un convoi d’immigrés européens conduits par deux vétérans de la guerre de Sécession : le capitaine Shea Brennan (Sam Elliott) et le lieutenant Thomas (Lamonica Garrett). Ils se dirigent vers l’Oregon, véritable terre promise pour des européens malmenés et exploités dans leur pays et qui souhaitent vivre le rêve américain. Mais avant de commencer ce voyage, le réalisateur nous plonge dans l’ambiance par deux scènes chocs, mélangeant brutalité, deuil et virtuosité visuelle. Le début de la série donne le ton et semble sceller le destin d’un des héros : on garde en mémoire cet effrayant prologue.

C’est à travers le regard d’une jeune femme, Elsa (Isabel May), que nous parcourons des plaines désertiques et poussiéreuses dans la tradition des vieux westerns. La nature, la terre et les éléments, tout est hostile à l’homme dans ce décor. Et pourtant, grâce à la voix off d’Elsa, qui nous accompagne tout du long, on perçoit ce qu’elle distingue : la beauté sauvage et libre des lieux. Elle s’impose comme l’héroïne de cette épopée, à un moment charnière de sa vie, elle qui devient femme dans un monde d’hommes. Elle est accompagnée de sa famille qui se joint au convoi pour le terrible voyage.

Ses deux parents, Margaret et James Dutton (Faith Hill et Tim Mcgraw), mariés à l’écran et à la ville, sont deux figures parentales modernes et toutefois crédibles. Le père, James, par ses talents de tireur, devient vite un élément clé du groupe. La mère n’est pas en reste et démontre, épisode après épisode, qu’elle ne se laisse enfermer dans aucun cliché.

Le tandem Shea Brennan et Thomas offre un portrait touchant de compagnons de route soudés et complémentaires. Le premier, joué par Sam Elliott, est dans l’émotion pure et nous tire bien souvent des larmes. Il se pose en vieux sage impitoyable pour garder chaque immigrant (en vie) sous son aile.

Pendant leur périple, les immigrants doivent affronter un univers qui leur est totalement inconnu, recelant des dangers improbables (ils ne savent pas nager…). On partage leur naïveté et on ressent leur dépaysement total. En tête de liste, l’un des voyageurs Josef (Marc Rissmann) qui promet à sa femme un paradis au bout du chemin, ou encore une veuve gitane charismatique (Gratiela Brancusi), inquiète quant à sa survie, seule dans le convoi.

Les éléments du western défient tous les stéréotypes que l’on pourrait avoir : des cowboys sensibles, féministes dans l’âme, attachants sans être faibles. Des indiens dont on découvre l’univers nuancé et pourtant brutal. De très beaux passages nous invitent à partager leurs coutumes, leur langage et leur croyance.

Le rythme de la série pourrait paraître lent, mais c’est pourtant une course effrénée contre le temps (l’hiver vient…). On est sans cesse surpris par la tournure des évènements, le scénario ne laisse aucun répit. A noter toutefois la rudesse de certaines scènes, jamais édulcorées sans être gratuites. La photographie de la série est incroyable. Tournée principalement au Texas et dans le Montana, les paysages sont à couper le souffle. Le générique, quoique classique, est efficace et reprend les techniques de photographie ancienne.

La cerise sur le gâteau : c’est le casting cinq étoiles. Aucun personnage ne sonne faux, tous paraissent authentiques, de la crasse sous leurs ongles aux costumes remarquables. La jeune Isabel May en tête nous subjugue. Son personnage est profondément inspirant, son évolution d’adolescente à cowgirl nous impressionne et son regard sur le monde, la mort et la liberté, nous émeut.

Une série à dévorer d’urgence (seulement 10 épisodes) et qui donne furieusement envie de jeter un coup d’œil aux autres œuvres de Taylor Sheridan et son équipe. Leurs choix intelligents ne présagent que du bon pour la suite.


Cette chronique et bien d'autres disponibles sur ce lien https://seriephiledudimanche.jimdofree.com/2022/04/24/1883-saison-1/

vosarno
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le 14 mai 2022

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vosarno

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