Chaque année, revenant comme l'infâme herpès, le processus fait son œuvre et juge les méritants comme les inaptes, l'élite de la pensée face au commun juste bon à croupir dans la fange et la pauvreté. Chaque année, les jeunes de 20 ans révolus s'amassent devant les portes d'un complexe aseptisé, chaque année une nouvelle fournée quitte les bidonvilles pour passer l'examen le plus important de leurs vies, celui qui déterminera tout. Chaque année, mais une seule et unique fois, ces citoyens à l'existence précaire se voient offrir la chance de faire partie des 3% d'élus qui partiront sur l'Autre Rive, ce paradis terrestre où tout est possible, où la vie n'est que plaisance nous dit-on. Nous suivrons un groupe de jeunes adultes prêts à tenter l'expérience...
Les tests s'enchaînent sans pour autant se ressembler. Ils sont tenus sous la supervision d'un œil froid que nous apprendrons à connaître, Ezequiel. Ces épreuves vont faire état des capacités de déduction des participants, de leur intelligence... De leur force mentale tout simplement. Au moindre doute, à la moindre inaptitude, les voilà rejetés dans la mélasse d'où ils sont sortis. Il n'y a plus qu'à vivre en perdant après cela.
Si les tests prennent une large part dans l'intérêt du spectateur pour cette série, c'est par ses protagonistes que tout l'enjeu va œuvrer. L'empathie se laisse prendre doucement mais sûrement et nous emmène au plus près du foudroyant échec comme de la réussite la plus méritante (?). En effet, si au début tout le monde semble posséder un fort esprit de cohésion, le concours et l'idée des 3% d'heureux pour 97% de malheureux, les rattrapent pour ne plus les lâcher, allant jusqu'à réveiller en chacun des pulsions qu'ils croyaient pourtant ne pas posséder.
Sur fond d'expérience sociale et de dystopie, 3% offre ce petit quelque chose d'à la fois malaisant comme jouissif. Les vies se jouent en un claquement de doigts, tous sont amenés à savoir à quel prix leur existence va prévaloir sur la société. Observateur comme acteur, voilà que nous sommes confrontés à une morale très régulièrement mise de côté, la satisfaction personnelle passant avant le groupe, la famille et les enfants.
On pourrait n'y voir qu'une simple série adolescente au concept bateau, unique prétexte à reproduire de façon détournée l'engouement qu'a pu susciter les Hunger Games et autres Divergente. Ce n'est pourtant pas le cas ou pas vraiment. Les écueils du manichéisme sont souvent proches mais jamais franchis ; il y a de la profondeur au delà d'un formel aguichant. L'ambiance y est en partie pour quelque chose avec cette société d'Amérique du Sud, propice à l'imaginaire collectif des favélas. La spécificité de la langue (le Portugais) participe également au dépaysement, non sans lien avec une quelconque critique sociale (le terrain fertile de toute histoire d'anticipation qui se respecte).
En seulement 8 épisodes disponibles sur Netflix, 3% apporte un léger renouveau dans un genre sclérosé par des sagas souvent peu imaginatives sans pour autant briller de mille feux. C'est une curiosité qui, à mon sens, détient une pertinence, relative certes, mais somme toute très satisfaisante.
Alors, système infaillible ou vaste arnaque utopiste, vous serez à même de juger à l'achèvement de cette premier saison qui aurait très bien pu se terminer ainsi sans ouvrir sur une éventuelle suite.