Ce n'est pas exagérer que d'associer Grimgar à la notion de contemplation ; au sens le plus noble que ce mot puisse recouvrir en tout cas. Savamment travaillé en vu de rendre son spectateur justement contemplatif durant de longues séquences - parfois poussives -, Grimgar nous abandonne trop tôt, nous laissant alors quelque peu partagés suite au visionnage de cet anime qui, en dépit de ses défauts, aura au moins cherché à adopter quelques bribes d'originalité.


Avant même de nous retrouver contemplatifs de l'atmosphère instaurée par les auteurs, c'est d'abord sur le rendu graphique qu'il faut s'attarder. De la pastel. De la pastel partout ! Cela en relève presque de l'abus et, pourtant, que ça présente bien. L'apparence des personnages, la fluidité de l'animation, tout cela démontre au moins le soin particulier apporté par les animateurs à cette série de douze épisodes.
Douze épisodes. C'est court lorsque l'on prend la peine de poser les bases d'un monde qui ne demande qu'à être exploité sur le long terme.


Les scénaristes se seraient-ils simplement bornés à nous offrir un simple monde issu de l'heroïc-fantasy que ces épisodes se seraient suffi à eux-même. Seulement, il y avait bien plus d'éléments sur lesquels broder. Ne pas l'avoir fait revenait à ne pas finir ce qui avait été commencé.


Plutôt passé inaperçu dans le milieu de l'animation, je suis tombé sur Grimgar car à la recherche d'un support fictif où le héros se retrouve piégé dans un univers propre aux MMORPG et à ses codes Beaucoup de fictions m'ont offert cette promesse, aucune n'est parvenue à ce jour à la remplir (à l'exception peut-être du Manhwa The Gamer dans une certaine mesure). Et, au-delà de sa qualité graphique ainsi qu'à l'attention portée à la contemplation, Grimgar aurait pu - et même aurait dû - remplir mes attentes.


Le postulat de départ est le suivant : un groupe d'humains a été importé dans le monde Heroïc Fantasy de Grimgar et doit se débrouiller pour subvenir à ces besoins dans un environnement hostile auquel ils sont étranger. Très similaire à la trame de Final Fantasy Tactics dans l'idée initiale.
Pour une raison qui nous échappe, les protagonistes perdent la mémoire de leur vie passée et se laissent immerger dans ce monde nouveau pour incarner véritablement des personnages de MMORPG. VÉ-RI-TA-BLE-MENT.
Car là où les fictions se rapportant à cette thématique font l'erreur grossière de faire évoluer leurs personnages bien trop rapidement pour en faire des bêtes de puissance sans intérêt, une notion essentielle au milieu du MMO est ici enfin respectée : la lente progression des personnage. Je ne l'espérais plus à ce stade.
Les héros se retrouveront démunis face à un gobelin, la créature hostile la plus faible de Grimgar. Chargés de s'entraîner auprès de leur maître de classe respectif, ils finiront par acquérir les capacités leur permettant de palier la difficulté extrême des premiers affrontements sans pour autant gagner suffisamment de force pour terrasser leurs ennemis avec facilité. Le travail d'équipe est de rigueur (principe même des MMO classiques) et y déroger coûte très cher.


On apprend la présence d'autres groupes humains évoluant de leur côté. Savoir qu'une hiérarchie de «guildes» existe au milieu de laquelle les protagonistes se retrouveraient à devoir regarder vers le haut m'enchantait au plus haut point. Bien entendu, cela sera très vite laissé de côté. Si ce n'est un aventurier légendaire de Grimgar (un gros niveau dirons-nous plutôt), tout ce volet sera rapidement laissé de côté. Les autres aussi hélas.


Aussitôt un anime-MMO bien exploité se présente qu'il scie la branche sur laquelle il est assis. La chute est haute est se veut mortelle. Mortellement ennuyante. Alors, après avoir trahi de si belles promesses initiales d'évolution lente et progressive au milieu d'autres «joueurs» qui influenceraient Grimgar du fait de leur puissance, on tombe dans du nekketsu sans âme. Le ecchi ne tarde pas à s'installer, tel une surinfection commençant déjà à devenir purulente.
Un ecchi d'un nouveau genre cela dit. Car là où se registre se veut habituellement lourd (soyons lucide, ça n'a jamais été drôle ou de bon goût), le calme et la sérénité avec il est abordé ici rend le tout glauque au possible. Imaginez le gag ecchi moyen où tout le monde resterait statique, paisible et silencieux en faisant traîner la scène le plus longtemps possible pour accentuer un sentiment de malaise - contemplation oblige ; vous aurez alors passé un moment plus que gênant : écœurant.


Pourtant, l'aspect contemplatif n'a pas que des défauts à mettre à son compte. La lenteur, le ton posé, le silence... la douceur de vivre, ou en tout cas, de se délecter de ces longs moments du quotidien pourtant solennels ; tout cela apaise. Un peu de répit, enfin. Un anime où on prend le temps de faire les choses ; où, non seulement on ne brusque rien, mais où on s'appesantit. On oublie souvent que le pays producteur de la japanimation se veut aussi celui du Zen.
Malheureusement, la contemplation tombe mal. Prendre le temps, ça a ses avantages sur le plan du style ; prendre le temps quand on n'a que douze épisodes pour développer une intrigue et sept personnages principaux en plus d'un univers inédit : c'est une faute grave. Une bonne idée malheureusement inadaptée cet anime particulier. Le style s'avère au final inapproprié.


Il convient toutefois de ne pas confondre les scènes de contemplation avec celles de lamentation qui, elles, virent à l'obscène tant elles sont effectivement forcées. Vous savez, ces moments où on vous met de la J-POP en fond sonore tandis que les personnages restent raides comme des piquets à faire semblant de réfléchir pour avoir l'air profond. Ces instants sont d'un chiant...


Poussif toujours et, palliatif à un ennui que les auteurs sont conscients de générer à force de ne rien faire avancer et ne rien développer, un événement de l'intrigue se voudra - paraît-il - osé et original. Il faudra un jour rapporter à certains critiques que l'originalité se veut un antonyme de la banalité et non pas son synonyme.
S'il faut parler de l'intrigue en premier lieu, cela ira vite : les personnages principaux sont à Grimgar on ne sait comment ou pourquoi - nous ne le saurons pas - et ils s'en vont pourtrer des gobelins sur sept épisodes avant de s'en prendre à des loups. Fin. J'aime que la progression soit lente, mais j'aime encore plus lorsque, au bout d'un long processus, elle aboutit à quelque chose. À quoi peut-on aboutir en douze épisodes avec en plus tant d'espaces où l'intrigue doit laisser place au silence durant cinq minutes ininterrompues ? Cela, les auteurs n'y ont pas réfléchi.
Ils n'ont pas réfléchi non plus à comment développer des personnages. Tous sont insupportables à leur manière. Trop purs, trop agaçants, trop banaux, aucun ne tirera son épingle du jeu ou ne laissera de trace dans votre mémoire. Tout semble fait pour que nous les oublions aussitôt présentés.


Ces terribles constats de base alors établis, vient le moment charnier de la série :


Le chef du groupe des personnages principaux meurt à l'épisode quatre. Quelle audace ! Quelle surprise ! Quelle originalité ! Puella Magi Madoka Magica nous aura fait le même coup cinq ans plus tôt. D'autres aussi. Et mieux mis en scène. Mais quelle audace !
Comment se soucier d'un personnage aussi commun, qu'on ne connait en plus que depuis quatre épisodes ? Je n'avais même pas eu le temps de retenir son nom... Mais à trop vouloir donner le change à la médiocrité instaurée et entretenue sur douze épisodes, on cherche à créer du drame afin de sauver au mieux les meubles. Tentative aussi désespérée que désespérante.


Un coup d'épée dans l'eau qui ne parvient même pas à éclabousser les spectateurs. Lamentable.


Tant pis pour mes espoirs de fiction MMO réussie. Tant pis pour ces beaux moments de contemplations gâchés par le reste. Si toute cette mise en scène ne servait aucun propos au final, que retenir de Grimgar ? Rien. Celui-ci sera oublié aussi vite que les héros ont oublié le monde réel. Élément de l'intrigue qui ne nous sera d'ailleurs jamais expliqué. Comme tant d'autres.

Josselin-B
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le 21 nov. 2019

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Josselin Bigaut

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