Thèmes : Monde du travail / Amitié / Récit de vie
Féminisme : 70% / Romance : 0 % / Bromance : 90 % / Paternalisme : 0% *
Jang Geu-rae a 26 ans. Il consacré toute sa vie au baduk (le jeu de go en coréen). Ayant échoué à passer professionnel, sans diplôme, il vit de petits boulots jusqu'au jour où, par l'intermédiaire d'une connaissance, il rentre comme stagiaire chez One International. De nature discrète, profondément seul, Jang Geu-rae a beaucoup de mal à se faire à cet univers inconnu dont il ignore les codes. Rejeté par une grande partie de ses collègues stagiaires qui considèrent qu'il n'a pas sa place parmi eux, Geu-rae connaît des débuts difficiles. Il est placé sous la tutelle de Oh Sang-Sik, responsable de l'équipe des ventes n°3, un chef atypique et sanguin... Parmi ses collègues stagiaires, il y a le très rigide Jang Baek-gi, l'impressionnante et sur-compétente An Young-yi et le très sociable et chaleureux Han Seok-hyul.
Jang Geu-rae est un jeune homme d'une grande finesse, très observateur et intelligent, qui apprend vite. Dès ses premiers pas chez One International, il va se servir de ses connaissances en Go pour tenter d'analyser et de comprendre ce monde nouveau qui l'entoure.
Misaeng est un terme du jeu de Baduk (Go) qui signifie "Vie incomplète", comme la vie de Jang Geu-rae, comme celle du charismatique Oh Sang-sik... La relation des deux sert d'élément récurrent au fil au drama. Il en est la colonne vertébrale, le coeur. La relation humaine au centre de la machine-entreprise. Oh est un personnage haut en couleurs, intègre, qui n'hésite pas à faire les choses à sa façon, quitte à devoir en payer le prix... Il prend rapidement Geu-rae sous son aile, malgré des débuts chaotiques entre eux.
De nombreuses personnalités s'entrechoquent dans Misaeng : du bourreau de travail inhibé au patron qui brutalise physiquement son équipe, de la cadre épuisée qui doit jongler entre sa vie de famille et son travail, au collaborateur qui empoche des pots de vin, en passant par le collègue un peu trop collant ou l'acolyte menteur et manipulateur... Tous existent dans la vraie vie. Nous les avons tous rencontrés.
La série est finement écrite, follement humaine et humaniste. Les situations dans lesquelles se retrouvent les personnages oscillent entre situations de travail parfois absurdes, véritables épreuves du quotidien, et moments personnels, souvent jouées sur le toit de l'immeuble, là où les langues se délient (un peu) et où les échanges se font plus intimes, tout en conservant cette part de retenue propre à la société sud coréenne. Misaeng est un miroir de cette dernière, prônant le travail et le dévouement, le respect et la responsabilité. Plus largement, bien sûr, Misaeng est aussi un miroir de la société tout court, même si, il faut bien l'avouer, nous restons tout de même un tantinet scotché devant le quotidien de ces employés sud-coréens, qui évoluent dans un monde qui se démarque quand même pas mal de celui d'autres pays comme la France... On apprend plein de choses, comme devant un documentaire sur le monde du travail en Corée du Sud. Certains moments peuvent laisser perplexes et ce monde nous sembler étonnement sévère par rapport au nôtre...
Le personnages sont intensément attachants. Geu-rae et Young-yi très rapidement tous les deux, mais aussi le hautain et coincé Baek-gi (il s'arrange petit à petit). Et surtout le surprenant Seok-hyul, pour lequel le spectateur éprouve de prime abord de l'antipathie, et puis presque aussitôt de la tendresse lorsque l'on découvre que son papa et les collègues de celui-ci, tous ouvriers, le soutiennent et s'inquiètent tellement pour lui lors de son examen de fin de stage. Il devient le personnage le plus affectueux et tactile du drama (là où TOUS les autres sont dans la maîtrise de leurs émotions). Le fait que Han Seok-hyul soit également le protagoniste issu des classes populaires n'est sans doute pas un hasard. Son comportement est souvent du reste un peu border line dans l'univers très codifié de l'entreprise (il n'hésite d'ailleurs pas à s'opposer à son supérieur, contrairement à ses trois co-stagiaires et même au reste de la boîte). Il apparait comme le personnage auquel on parvient le plus à s'identifier. Oh Sang-sik est évidemment l'autre personnage-atout de la série et possède un véritable aura. Enfin, le groupe formé par les quatre (Geu-rae, Seok-hyul, Young-yi et Baek-gi) passe de l'hétéroclite à l'unisson, et c'est très beau.
Qui dit monde du travail dit harcèlement. La série aborde bien évidemment ce thème : si Geu-rae tombe dans une équipe de travail extrêmement bienveillante (outre Oh, il y a aussi l'adorable Kim Dong-sik), ce n'est pas le cas de Young-yi, qui passe d'apprentie insolemment douée -et louée- à jeune employée méprisée et harcelée par sa hiérarchie et ses collègues. Baek-gi doit également supporter les humeurs d'un chef d'une grande froideur et Seok-hyul se retrouve manipulé par un supérieur qu'il qualifie de psychopathe. L'un des directeurs de la boîte se permet même de toucher et frapper ses collaborateurs, un autre harcèle sexuellement des collègues de manière totalement naturelle, sans qu'un autre collègue homme, présent à ce moment là, ne s'en offusque plus que cela. C'est là que le traitement documentaire de la série entre en scène : les scénaristes n'ont pas écrit de "happy end" pour chaque personnage maltraité ni forcément de punition pour les bourreaux. Leur situation évolue et si l'issue est plutôt positive pour chacun, on n'est pas dans un Disney. Le traitement de l'arc narratif de Young-yi est particulièrement parlant : cet arc narratif est d'ailleurs, soit dit en passant, très habilement écrit et développé, tout en finesse... Dans cette thématique, le drama frappe très fort et la question des harcèlements multiples est abordée ingénieusement, pour chaque cas.
Je terminerais en parlant des comédiens, tous excellents. Mentions spéciales à Byun Yo-han (Seok-hyul) et Lee Sung-min (Oh Sang-sik), qui font des étincelles et sont tellement touchants l'un et l'autre !
Deux scènes préférées :
-celles de la réunion de travail de Oh et des quatre stagiaires dans une chambre d'hôtel pour travailler à sauver le projet de Mlle Sun. Ces scènes sont d'une grande tendresse et impliquent le groupe en tant que véritable "famille", autour de la figure centrale de Oh, qui se positionne ici, non seulement comme un chef, mais aussi comme une figure paternelle.
-le passage à tabac de l'horripilant Sung par un mari trompé, qui arrive à point nommé pour -enfin- venger Seok-hyul ! Scène d'une grande délectation !
En conclusion, un énorme (huuuuuuuuge !!!) coup de coeur pour ce kdrama intelligent, subtil, maîtrisé de bout en bout -de la narration à la musique-, mélancolique, beau, plein d'humour, poétique aussi (et oui, une série sur le monde du travail peut être poétique), tendre et merveilleusement interprété.
Ah, si ! Il faut absolument rester jusqu'à la toute dernière seconde, après le générique et les images du tournage. Une toute dernière scène amène un élément à la fois anecdotique et capital, qui vient renforcer l'idée du fil rouge existant entre Oh Sang-sik et Jang Geu-rae.
*Voir page d'accueil de ma liste pour plus d'explications : https://www.senscritique.com/liste/Kdramas_vus/2850094