MBC était déjà à l’origine de ma plus grosse surprise en termes de drama l’an dernier : le virevoltant 365: Repeat the Year, encore (douloureusement) trop ignoré. Et voilà que la chaîne publique coréenne remet le couvert cette année avec The Veil, série elle aussi passée complètement inaperçue malgré le très charismatique Namgoong Min en tête d’affiche.
Un bide qui a de quoi interpeler, compte tenu des nombreuses qualités du drama, véritable condensé d’action et de suspense aux rebondissements savoureux.
Un format très bien géré
12 épisodes, 1h. C’est pas sorcier, et MBC l’a bien compris. The Veil a été pensé et écrit pour tenir en moins de temps que les habituels 16 fois 1h, quand ce n’est pas 1h 20. Résultat : le drama ne perd jamais en intensité, et nous scotche de bout en bout à notre chaise. Très bien monté, il n’a recours aux flashbacks que lorsque c’est réellement nécessaire, ce qui accroît la lisibilité de l’intrigue, lui confère une impression de fluidité et ne nous perd pas sous une trop grosse masse d’informations.
J’avoue avoir quelques fois dû revenir plusieurs secondes en arrière pour bien comprendre la subtilité d’un dialogue, mais c’est aussi à cause du sous-titrage amateur en anglais, souvent prolixe. Le reste du temps, l’histoire se raconte avec beaucoup de naturel, se focalisant uniquement sur ce qui importe à sa progression.
Une histoire complexe… mais pas absconse
The Veil joue sur beaucoup de plans. Trop, à quelques occasions. Mais le reste du temps, l’écriture du scénario fait preuve d’un charme certain, parvenant à bien nous perdre, sans trop nous décourager non plus (un aspect du drama qui fait penser à Stranger).
Le cadre de l’histoire, dans les services secrets sud-coréens, est peu commun, tout comme l’est l’idée de la relier (au début) à une affaire de cartel de drogue transnational, entre la Chine et les deux Corées. Une originalité relative, les espions ayant été abondamment représentés dans les séries occidentales depuis un bon bout de temps. Le drama parvient néanmoins à habilement renouveler les approches sur le sujet, en éludant l’aspect purement logistique pour évoquer les luttes de pouvoir internes au NIS (acronyme des services secrets là-bas).
Même s’il abuse un peu dans la latitude qu’il donne à certains de ses protagonistes (ou au contraire se montre superficiel sur certains rôles secondaires), The Veil déploie au fil des épisodes une galerie de personnages impeccablement interprétés, qui tissent une impressionnante toile d’alliances et d’inimitiés sur laquelle notre héros doit se frayer un chemin, à mesure qu’il recouvre sa défectueuse mémoire.
Namgoong Min, impérial
Plutôt habitué à des rôles légers du fait de son rictus caractéristique, Namgoong Min rappelle ici qu’il est aussi fort à l’aise dans un registre beaucoup plus sérieux, où les sourires se comptent sur les doigts d’une main et où les muscles saillants ne sont pas là juste pour faire beau. L’acteur nous offre quelques scènes d’action d’inspiration john-wickienne fort maîtrisées, qui feraient presque relativiser la petite claque assénée par My Name deux mois auparavant sur Netflix…
Certes la qualité des transitions dans le montage est moins percutante, la réalisation globalement un cran en-dessous, mais on ne peut néanmoins qu’apprécier des scènes de baston crédibles dans l’ensemble, sans trop de chorégraphie et avec une violence graphique justifiant amplement l’interdiction aux moins de 19 ans en Corée.
L’espion qui n’aimait pas
Pas de romance pour Han Ji-hyuk (Namgoong Min), qui préfère garder sa belle gueule pour les séances de tabassage intensif auxquelles il sera inopinément convié. Un défaut mineur, qui apparaît aussi à fortiori superflu compte tenu du ton globalement très sérieux du drama.
Les rôles secondaires féminins nous permettent au demeurant d’apprécier la superbe coupe au carré de Park Ha-sun, dont le charisme magnétique réserve quelques scènes mémorables, malgré un rôle en dents de scie. Bons points aussi pour Kim Ji-eun, que je ne connaissais pas mais qui remplit correctement son rôle de sidekick, et pour Jang Young-nam, actrice assez sous-cotée mais pourtant solide ici dans la peau d’une femme de pouvoir.
Côté masculin, le vétéran Lee Kyung-yung et Kim Jong-tae, croisé dans les dramas d’An Pan-seok, achèvent de faire du casting un remarquable sans-faute.
Lectures possibles
Le titre « The Veil », semble avoir plusieurs interprétations, qui se font jour et se décantent à mesure que le drama révèle la grande complexité de sa trame scénaristique. Il renvoie sans doute d’abord au voile qui pèse sur la mémoire du héros, oubli nécessaire qui permet ultimement à la vérité de ressurgir.
La vérité est justement traitée avec beaucoup de pincettes, sorte d’optimum impossible à atteindre et obligatoirement influencé par les intérêts de tel ou tel acteur ; c’est là probablement le second sens qu’on peut lire à travers le drama : cette évanescence – insaisissabilité – de la vérité, son fourvoiement par tout un chacun, particulièrement par ceux détenant des places de pouvoir, et qui se répercute mécaniquement sur les vies des chevilles ouvrières, des femmes et des hommes de terrain comme Ji-hyuk et Seo-yon (Park Ha-sun). Espion : le métier où par excellence la neutralité est passible des pires châtiments, des pires dilemmes moraux qui soient…
Pour conclure
Drama survitaminé, The Veil vient éclairer une année 2021 fort morose en termes de dramas coréens, et contribue à renouveler partiellement la série d’espionnage en la mêlant à des thèmes typiques de la péninsule : corruption, jeux de pouvoir, ambitions démesurées et respect obséquieux de la hiérarchie – parfois jusqu’à l’excès.
Un an après 365 : Repeat the Year (allez le voir, svp…), MBC signe une nouvelle œuvre de fort belle (et surtout solide) facture.